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La mort d’un détenu tué par un gendarme au cours de son transfert de la maison d’arrêt vers le tribunal n’entraîne pas la violation de l’article 2 de la Convention

 

(CEDH, 19 mai 2022, Bouras contre France, requête n 31754/18) 

Le 19 mai dernier, la Cour de Strasbourg a rejeté une requête invoquant une violation du droit à la vie, en basant son raisonnement sur le geste commis, qui relevait indéniablement de la légitime défense. 

 

En l’espèce, au cours du transfert d’un détenu provisoire vers un juge d’instruction, ce dernier tenta de saisir l’arme de service de la gendarme fonctionnaire présente dans le véhicule. Alors que cette dernière ne se trouvait plus en situation de se défendre, le conducteur, un « gendarme adjoint volontaire » tua le détenu d’un coup unique, n’étant pas parvenu à le maîtriser au préalable. C’est, par ailleurs, cette qualité d’adjoint volontaire qui marque la singularité de l’affaire. En effet, l’agent en question n’était pas couvert par la législation française applicable aux représentants de la force publique, mais uniquement par l’article 122-5 du Code pénal définissant les termes de la légitime défense, applicable à l’ensemble des citoyens. 

 

Le second alinéa de l’article 2 relatif au droit à la vie, exclut une violation « dans les cas où elle [la mort] résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire (...) ». Cela suppose donc l’existence d’une attaque face à laquelle une riposte est nécessaire et proportionnée. Ce sont ainsi ces derniers critères que les juges européens ont examinés. Notamment, la Cour s’est livrée à une analyse substantielle de la conviction de l’agent, qu’un tel geste était absolument nécessaire. Concernant la proportionnalité du tir de ce dernier, elle a été reconnue, les juges ayant pris en considération les tentatives de l’agent de maîtriser le détenu avant de saisir son arme. 

 

La responsabilité individuelle de l’agent écartée, il restait à la Cour l’appréciation de la responsabilité de l’État français, remise en cause par le requérant qui invoquait des lacunes dans la formation de l’agent et des déficiences dans le transfert du détenu. L’ambiguïté tenait notamment aux moyens mis à disposition des gendarmes, étant donné qu’une arme non létale aurait pu éviter le coup de feu à l’origine de la mort du détenu. À cette observation, les sept juges européens composant la 5ème chambre de la Cour, et à l’unanimité, déclarent que la France n'a pas violé l’article 2 de la Convention. En effet, ils considèrent que s’il est souhaitable que de tels moyens soient mis à la disposition des agents de police lors de transferts de détenus ; une telle obligation de principe omettant les circonstances d’affaires données, représenterait une « charge irréaliste qui risquerait de s’exercer au dépend de leur vie et de celle d’autrui, eu égard notamment au caractère imprévisible de la nature humaine »

Par Anouk Thomé (M2 Droit européen des Droits de l'Homme)

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