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L’écart des directives anticipées d’un patient par un médecin reconnu conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel

(Conseil constitutionnel, 10 novembre 2022, décision n°2022-1022 QPC)

Le 10 novembre 2022, le Conseil constitutionnel statuait sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur une disposition du Code de la santé publique relative aux conditions dans lesquelles un médecin peut écarter les directives anticipées d’un patient en fin de vie. Aux fins de cette décision, le Conseil constitutionnel a considéré comme conforme à la Constitution, le fait qu’un médecin écarte les directives anticipées d’un patient.

 

En mai 2022, un homme est placé dans un coma afin de stabiliser son état de santé des suites d’un accident. Le 15 juillet 2022, les équipes médicales du centre hospitalier prennent la décision d’arrêter les soins après avoir étudié son dossier. Or, ce dernier avait rédigé des directives anticipées mentionnant sans ambiguïté son souhait, dans l’hypothèse où il ne serait plus en mesure de s’exprimer, d’être maintenu en vie, même artificiellement, en cas de coma prolongé.

 

Des suites de cet acte par l’équipe médicale, la famille du patient a formulé une demande de suspension de l’exécution qui fut rejetée par le juge des référés du tribunal administratif, par ordonnance, le 22 juillet 2022. La famille du patient a formulé une question prioritaire de constitutionnalité, devant le juge des référés du Conseil d’État, portant sur le point de savoir si le pouvoir reconnu à un médecin de ne pas appliquer des directives anticipées en application de l’article L1111-11 du Code de la santé publique est contraire à la Constitution. Par une décision du 19 août 2022, le juge des référés du Conseil d’État, considérant la question dotée d’un caractère sérieux, sursoit à statuer et renvoie la question devant le Conseil constitutionnel.

 

Les membres de la famille du patient soutenaient que le fait qu’un médecin ait la possibilité de ne pas respecter le contenu des directives anticipées d’un patient dans le cas où ces directives « apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale » (article L1111-11 §3 du Code de la santé publique) conduit alors à mettre fin à la vie du patient contre sa volonté. Ainsi, ils considèraient que ces dispositions méconnaissent le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, ainsi que la liberté de conscience et la liberté personnelle, garanties par le préambule de la Constitution et les articles 1, 2, 4 et 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Également, ils soutenaient que l’expression « manifestement inappropriées » était imprécise, ne mentionnant aucun délai de réflexion. 

 

Le Conseil constitutionnel, statuant sur cette question, a affirmé que le troisième paragraphe de l’article L1111-11 du Code de la santé publique était conforme à la Constitution en ce qu’il permettait à un médecin d’écarter les directives anticipées d’un patient en fin de vie, dès lors que ces « directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ». Afin de rendre cette décision, le Conseil constitutionnel s’est appuyé sur plusieurs éléments.

 

Tout d’abord, il a été considéré que le législateur, dans la lettre de cet article, permet au médecin d’écarter les directives anticipées qui ne peuvent s’imposer en toutes circonstances. Également, il n’a pas été considéré que les termes « manifestement inappropriés ou non conformes à la situation médicale » soient entachés d’ambiguïté ou d’un manque de précision.

Enfin, cette disposition a été considérée constitutionnelle, du fait qu’une procédure collégiale doit être respectée lorsque la décision d’arrêter les soins est prise, ainsi que du fait que la décision du médecin peut être soumise au contrôle du juge. 

 

Faustine PECLIER

M1 Droit européen des Droits de l’Homme

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