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Les dispositions relatives aux contrôles d’identité à Mayotte, prévues par l’article 78-2 du Code de procédure pénale, sont conformes à la Constitution, sous une réserve d'interprétation

(Conseil constitutionnel, 25 novembre 2022, décision n°2022-1025 QPC)

Par une décision du 25 novembre 2022, le Conseil constitutionnel se prononce sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du quatorzième alinéa de l’article 78-2 du Code de procédure pénale. Ce dernier est issu de la loi n° 2018- 778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, et détermine les conditions dans lesquelles les officiers et agents de police judiciaire peuvent procéder au contrôle de l’identité de toute personne en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi. Ledit alinéa dispose expressément que ces mesures s’appliquent « à Mayotte sur l'ensemble du territoire ».

 

La requérante estime qu’en autorisant de tels contrôles sur l’ensemble du territoire de Mayotte, ces dispositions permettraient une pratique « généralisée et discrétionnaire des contrôles d’identité » et méconnaîtraient ainsi la liberté d’aller et de venir. Aussi, celles-ci seraient contraires au principe d’égalité devant la loi dans la mesure où « dans les autres collectivités d’outre-mer, de tels contrôles d’identité ne peuvent être effectués que dans des zones géographiques limitées ».

 

Le Conseil débute son analyse en précisant que cette liberté d’aller et venir est une composante de la liberté personnelle, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. À ce titre, les juges de la rue de Montpensier soulignent qu’une conciliation doit être recherchée par le législateur entre la garantie de ces libertés, d’une part, et la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions, objectifs de valeur constitutionnelle, d’autre part.

 

Partant, les juges relèvent que les dispositions contestées participent effectivement à l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière et à la sauvegarde de l’ordre public. Ils soulignent également que le département de Mayotte connaît un contexte singulier. En effet, il fait face à des flux migratoires particulièrement importants, entraînant la présence de nombreux individus en situation irrégulière, créant ainsi un risque d’atteinte à l’ordre public. De plus, le Conseil avance un argument géographique pour justifier que ces risques concernent le territoire dans son ensemble.

 

Dans ces circonstances, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi n’est pas retenu. L’article 73 de la Constitution précise que, dans les départements d’Outre-Mer, les lois et règlements « peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». De plus, le Conseil constate que les adaptations prévues interviennent « en maintenant les conditions auxquelles de telles opérations sont soumises sur le reste du territoire de la République ». Le principe d’égalité est ainsi protégé.

 

Les juges émettent néanmoins une réserve d’interprétation en ajoutant que « la mise en œuvre des contrôles ainsi confiés par la loi aux autorités compétentes ne saurait s’opérer qu’en se fondant sur des critères excluant, dans le strict respect des principes et règles de valeur constitutionnelle, toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes ».

 

Par conséquent, et sous cette réserve, les dispositions contestées sont conformes à la Constitution. 

 

Elena WOLF

M2 Droit européen des Droits de l’Homme

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