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Les dispositions législatives ne permettant pas à un tiers à la procédure de demander l’annulation d’un acte d’investigation, qui aurait été accompli en violation du secret des sources, sont conformes à la Constitution

(Conseil constitutionnel, n°2022-1021 QPC du 28 octobre 2022)

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 28 juillet 2022, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de se prononcer sur la conformité de cinq dispositions du Code de procédure pénale au droit à un recours juridictionnel effectif, au respect de la vie privée et de la liberté d'expression et au principe d'égalité devant la loi. Les articles 60-1 alinéa 3 et 100-5 alinéa 4 concernent, respectivement, le pouvoir de réquisition d’informations reconnu aux autorités en charge des investigations dans le cadre d’une enquête, et le pouvoir d’interception des correspondances émises par la voie de communications électroniques dont dispose le juge d’instruction dans le cadre d’une information judiciaire. Les deux dispositions précisent, dans les alinéas visés, qu’à peine de nullité, les informations ou les correspondances ne peuvent être utilisées pour l’enquête que si l’obtention de celles-ci a été faite en violation de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse protégeant le secret des sources. Les articles 170, 171 et 173 du même code, quant à eux, portent sur la procédure à suivre afin de constater la potentielle nullité d’un acte. 

 

Il est reproché à ces dispositions de ne pas offrir la possibilité à un journaliste, lorsqu’il est tiers à la procédure d’instruction, de présenter une requête en nullité d’un acte d’investigation recueilli en violation du secret des sources. La requérante insiste également sur le fait qu’aucune autre voie de droit ne lui permettait de contester la légalité de l’acte litigieux. Par conséquent, ces dispositions méconnaîtraient le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit au respect à la vie privée et la liberté d’expression. 

 

Le Conseil constitutionnel entame son raisonnement en rappelant que l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, prévoit que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Partant, le droit des personnes d’accéder à un recours effectif devant une juridiction doit être protégé, et les éventuelles atteintes, prohibées. 

 

Le Conseil constitutionnel souligne, ensuite, que la jurisprudence constante de la Cour de cassation ne permet pas qu’un tiers à la procédure, y compris un journaliste, puisse demander l’annulation d’un acte qui aurait été obtenu en violation du secret des sources.

 

En outre, les articles 170, 171 et 173 du Code de procédure pénale donnent, effectivement, la possibilité au juge d’instruction, au Procureur de la République, et aux parties ou le témoin assisté de saisir la chambre d’instruction afin d’annuler un acte ou une pièce litigieuse. Cependant, en excluant les tiers à la procédure de contester la régularité d’un acte, le Conseil constitutionnel relève que le législateur a souhaité préserver le secret de l’enquête et de l’instruction et protéger les intérêts des personnes concernées. Dès lors, ces dispositions poursuivent les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions, tout en garantissant le droit au respect de la vie privée et la présomption d’innocence protégés par les articles 2 et 9 de la Déclaration de 1789. 

 

Toutefois, les sages de la rue Montpensier constatent que, malgré ces limites, plusieurs autres moyens de contester la légalité d’un acte existent et sont accessibles à un tiers à la procédure. En ce sens, si un acte d’investigation s’avère constitutif d’une infraction en application des articles 170, 171 et 173, le journaliste s’estimant lésé par la violation du secret des sources, peut mettre en mouvement l’action publique et se constituer partie civile devant les juridictions pénales afin de demander la réparation de son préjudice. Néanmoins, dans le cas où l’irrégularité de l’acte n’est pas soulevée en vertu des articles précités, le journaliste « conserve la possibilité d’invoquer l’irrégularité de cet acte à l’appui d’une demande tendant à engager la responsabilité de l’État du fait de cette violation ». 

 

Dès lors, les griefs de la requérante sont écartés dans la mesure où, le journaliste, en qualité de tiers à la procédure, ne voit pas ses droits méconnus, compte tenu des autres voies de droit qui lui sont ouvertes pour contester la légalité d’un acte de la procédure. Les dispositions mentionnées sont déclarées conformes à la Constitution. 


 

Elena WOLF

M2 Droit européen des Droits de l’Homme

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