

L’importance de l’examen personnel des risques de persécutions d’un individu jouissant de la qualité de réfugié
(Conseil d’État, chambres réunies, 28 mars 2022, décision n°450618)
Après avoir octroyé le statut de réfugié, le 23 novembre 2003, à un ressortissant russe originaire de Russie, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) y a mis un terme le 28 février 2018. En réaction à cette décision, un arrêté du préfet de la Haute-Garonne a dénié à l’intéressé la délivrance d’un titre de séjour, l’astreignant ainsi à quitter le territoire français pour une durée de trois ans et fixant la destination au pays dont il a la nationalité. Après deux rejets de la demande d’annulation de l’arrêté par le tribunal administratif de Toulouse, puis par la cour administrative d’appel de Bordeaux, le Conseil d’Etat accueille favorablement la demande. Le ressortissant russe demandait, à titre subsidiaire, la transmission à la Cour de justice de l’Union européenne de deux questions préjudicielles relatives à la directive n°2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux conditions requises par les ressortissants des pays tiers ou les apatrides aux fins de bénéficier d’une protection internationale.
D’une part, le Conseil d’Etat commence son argumentaire en énonçant le principe de l’article 1er de la Convention de Genève relative au statut de réfugié de 1951, ainsi que la jurisprudence de la CJUE du 14 mai 2019 garantissant la qualité de réfugié aux personnes dont le statut juridique de réfugié a été révoqué, et qui offre des droits a minima.
D’autre part, après avoir décliné l’article 33 de la Convention de Genève garantissant le principe de non-refoulement d’un réfugié si celui-ci risque que sa vie ou sa liberté soit menacées, à moins qu’il ne représente un sérieux danger pour la sécurité du pays où il se trouve, la Haute juridiction administrative s’attache au cadre strict, donné par la CJUE dans son arrêt du 14 mai 2019, de l’exception au principe de non-refoulement, reprise par la directive européenne du 13 décembre 2011. La Cour proclame ici que l’Etat ne saurait éloigner un réfugié s’il risque sérieusement de subir des traitements prohibés par les articles 4 et 19 de la Charte, et également par l’article 3 correspondant de la CEDH. La charge de la preuve de ce risque incombe à l’étranger souhaitant en bénéficier.
Toutefois, le Conseil d’Etat rappelle que, selon l’arrêt K.I contre France du 15 avril 2021 rendu par la Cour européenne des droits de l’Homme, une personne ayant simplement la qualité de réfugié et non le statut, ne peut être éloignée par l’administration qu’après un examen approfondi de sa situation personnelle démontrant le défaut de risque pour cette personne d’être persécutée dans le pays de destination.
Dans l’affaire en cause, la cour administrative d’appel a rejeté l’appel sur le seul fondement que l’intéressé n’a fait ressortir aucun élément permettant de démontrer la “réalité et l’actualité des risques encourus”. Elle n’a alors pas vérifié si l’administration s’était livrée à un examen approfondi de la situation personnelle du ressortissant russe, à la lumière de sa qualité de réfugié. Ainsi, si la charge de la preuve des risques encourus en cas de renvoi pèse explicitement sur l’intéressé, le Conseil d’Etat vient appuyer l’importance fondamentale de l’examen individuel par l’administration. Le renvoi ne saurait être exclusivement basé sur le défaut de preuves apportées par l’intéressé. Le réfugié, comme l’administration, sont tenus de se conformer à des obligations positives.
Il ressort que l’exception au principe de non-refoulement est strictement encadrée, et quadrillée par le Conseil d’Etat, ce qui va dans le sens d’une protection plus effective des personnes ayant la qualité de réfugié.
Par Camille CHOQUET (M1 Droit européen des Droits de l'Homme)