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Une ingérence à la liberté d’expression d’Éric Zemmour justifiée par la Cour européenne des droits de l’Homme au regard de la protection des droits d’autrui dans une société démocratique

(CEDH, 20 décembre 2022, Zemmour c. France, requête n°63539/19) 

Le 16 septembre, le requérant est invité au sein de l’émission télévisée « C à vous » dans le cadre de la promotion de son livre, « Un quinquennat pour rien », comprenant notamment une introduction intitulé « La France au défi de l’Islam ». A la suite de cette émission, le procureur poursuit le requérant en raison de cinq passages de l’émission. Alors que le tribunal correctionnel le condamne pour l’ensemble de ceux-ci, la Cour d’appel de Paris infirme partiellement le jugement dans son arrêt du 3 mai 2018 en ne retenant que deux extraits pour fonder l’infraction de provocation à la discrimination et à la haine religieuse, à savoir :

« Nous vivons depuis trente ans une invasion, une colonisation, qui entraîne une conflagration. (...) Dans d’innombrables banlieues françaises où de nombreuses jeunes filles sont voilées, c’est également l’Islam, c’est également du djihad, c’est également la lutte pour islamiser un territoire qui n’est pas, qui est normalement une terre non islamisée, une terre de mécréant. C’est la même chose, c’est de l’occupation de territoire »

« je pense qu’il faut leur donner le choix entre l’Islam et la France […] Donc s’ils sont Français ils doivent, mais c’est compliqué parce que l’islam ne s’y prête pas, ils doivent se détacher de ce qu’est leur religion ».

La Cour de cassation rejette son pourvoi le 17 septembre 2019.

 

Pourtant hostile à son existence, le requérant saisit la Cour européenne des droits de l’Homme et allègue une violation de l’article 10 de la Convention. 

 

Une ingérence à la liberté d’expression constitue une violation de ce droit sauf si elle est justifiée, c’est-à-dire que l’ingérence est « prévue par la loi », qu’elle est dirigée vers un « but légitime » et enfin, qu’elle est « nécessaire » dans une société démocratique. 

 

La Cour conclut sans difficulté à l’existence d’une base juridique prévisible (article 24 al. 7 de la loi de 1881) de l’ingérence ainsi qu’à la poursuite d’un but légitime (protection de la réputation ou des droits d’autrui, en l’espèce ceux des personnes de confession musulmane). Concentrant l’essentiel de son analyse sur la nécessité de l’ingérence, la Cour relève tout d’abord que les propos du requérant contenaient des assertions négatives et discriminatoires de nature à attiser un clivage entre les Français et la communauté musulmane dans son ensemble. Elle en conclut, à la lumière de l’article 17 de la Convention interdisant l’abus de droit, que ces propos ne relèvent pas d’une catégorie de discours bénéficiant d’une protection renforcée de l’article 10.  Elle insiste ensuite sur le fait que les propos litigieux ont été tenus en direct à la télévision à une heure de grande écoute et qui plus est, par une personne qui, « même s’il s’exprimait en qualité d’auteur sur le plateau de télévision, il n’échappait pas aux “devoirs et responsabilités” d’un journaliste ».Enfin, la Cour valide la démarche de la Cour de cassation qui s’était référée à des « éléments extrinsèques » aux passages litigieux, estimant elle-même que le contexte général dans lequel ils s’inscrivait traduise clairement une intention discriminatoire. Au regard du quantum de la peine infligée – 3000€ - elle conclut à l’absence de violation de l’article 10 de la Convention. 

 

Semra TOSUNI

M2 Droit européen des Droits de l’Homme

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