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Condamnation du refus des autorités d’exécuter des ordonnances de référé enjoignant à l’Etat d’octroyer des hébergements d’urgence à plusieurs familles de demandeurs d’asile

(CEDH, 8 décembre 2022, M.K et autre c. France, requêtes n° 34349/18, 34638/18 et 35047/18)

La décision du 8 décembre 2022 de la Cour européenne des droits de l’Homme concerne des demandeurs d’asile qui, face à la passivité de la Préfecture française de Haute-Garonne, ont saisi la Cour afin d’avoir accès à un hébergement d’urgence. Les requêtes étant similaires, la Cour a rendu un arrêt unique.

En effet, cette affaire concerne la situation de trois familles (dont une femme enceinte de huit mois ainsi que quatre enfants âgés de 3 à 15 au moment des faits) arrivées en France entre avril et juin 2018. Ils se trouvaient, pour la majorité du temps, sans logement et dans des conditions de vie mettant leur sécurité et leur santé en péril. Ils ont alors saisi le juge du référé-liberté en vertu de l’article L.521-2 du Code de justice administrative. Ce dernier a délivré une ordonnance enjoignant le préfet de Haute-Garonne de « désigner un lieu d’hébergement d’urgence aux requérants ». La préfecture est restée totalement passive. Les requérants ont dès lors ouvert une procédure d’exécution de l’ordonnance, procédure à laquelle la Préfecture ne répondra pas.

Devant le « refus persistant des autorités françaises d’exécuter les ordonnances », les requérants ont saisi la Cour européenne des droits de l’Homme d’une demande de mesure provisoire. La Cour y ayant fait droit, les trois familles ont été hébergées à compter des 24, 25 et 27 juillet 2018. Les requérants invoquent, par ailleurs, une violation de l’article 6§1 et 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

La Cour conclut à la violation de l’article 6§1 de la Convention. En effet, à l’instar du Défenseur des droits dans ses observations, la Cour rappelle qu’afin que l’article 6§1 de la Convention soit garanti, l’Etat contractant ne peut laisser « inopérante une décision de justice définitive et obligatoire ». Elle ajoute que l’Etat ne peut se prévaloir, comme la France l’a fait en l’espèce, d’un « manque de fonds ou d’autres ressources » pour justifier la non-exécution d’une décision de justice. Par ailleurs, le gouvernement français n’a pas démontré qu’il « ne pouvait s’acquitter du montant des prestations d’hébergement ».  Elle précise enfin « qu’un délai d’exécution déraisonnablement long d’un jugement » pourra entraîner une violation dudit article 6§1 de la Convention.

 

Toutefois, la Cour rejette le grief tiré de l’article 3 de la Convention en vertu duquel « nul ne peut être soumis à la torture ni à de peines ou traitements inhumains ou dégradants ». En effet, elle estime que, dans la mesure où les requérants n’ont pas engagé de recours en responsabilité contre l’Etat en raison de sa carence, alors même que la « violation continue » avait cessé les 24, 25 et 27 juillet 2018 suite à leur accès au logement d’urgence, les requérants ne remplissaient pas la condition d’épuisement de voie de recours interne nécessaire pour pouvoir saisir la Cour en vertu de l’article 35§1 de la Convention.  

Margot GRAFFIN

M1 Droit européen des Droits de l’Homme

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