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Discriminations directes fondées sur la religion ou les convictions au travail : la Cour de Justice de l’Union européenne étoffe son interprétation de la Directive 2000/78

(CJUE, 13 octobre 2022, L.F. C/ S.C.R.L., C-344/20)

Dans l’arrêt du 13 octobre 2022, la deuxième chambre de la Cour de Justice de l’Union européenne (ci-après “la Cour”), saisie sur renvoi préjudiciel par le tribunal du travail francophone de Bruxelles, avait à se prononcer sur trois questions. Il s’agissait, tout d’abord, de savoir si les termes « la religion ou les convictions » de l’article 1er de la Directive 2000/78 constituent un seul et unique motif de discrimination. La juridiction de renvoi demandait, ensuite, si l’article 1er de la directive devait être interprété en ce sens qu’il s’opposait à ce que des dispositions nationales - assurant la transposition de la directive en droit national, et disposant que des convictions religieuses, philosophiques et politiques constituent trois motifs de discrimination distincts - puissent être prises en compte en tant que « dispositions plus favorables à la protection du principe de l’égalité de traitement que celles prévues dans la directive », au sens de l’article 8, paragraphe 1, de celle-ci. La dernière question portait sur le fait de savoir si l’article 2, paragraphe 2, a) de la directive devait être interprété en ce sens qu’une disposition d’un règlement de travail d’une entreprise interdisant aux travailleurs de manifester en paroles, de manière vestimentaire ou de toute autre manière, leurs convictions religieuses, philosophiques ou politiques constituaient, à l’égard des travailleurs entendant exercer leur liberté de religion par le port visible d’un signe ou d’un vêtement religieux, une discrimination directe fondée sur la religion ou les convictions au sens de la directive.  

Pour répondre à la première question, la Cour se fonde sur l’arrêt WABE et MH Müller Handel du 15 juillet 2021 (affaires jointes C‑804/18 et C‑341/19). L’article 1er de la directive 2000/78 cite au même titre « la religion » et « les convictions », à l’instar de l’article 19 TFUE et de l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux. Par conséquent, et aux fins de l’application de la directive, ces deux termes sont « les deux facettes d’un même et unique motif de discrimination ».

 

La Cour ajoute que l’article 1er de la Directive 2000/78 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que des dispositions nationales qui, assurant la transposition de cette directive, prévoient que les convictions religieuses et les convictions philosophiques constituent deux motifs de discrimination distincts, puissent être pris en compte en tant que « dispositions plus favorables à la protection du principe de l’égalité de traitement que celles prévues dans [ladite directive] », au sens de l’article 8, paragraphe 1, de celle-ci. Elle rappelle que la directive ne couvre pas les convictions politiques visées par la question préjudicielle. Elle clarifie également la marge d’appréciation dont disposent les États membres au sens de l’article 8, paragraphe 1, de la directive en précisant que celle-ci ne permet pas à ces derniers, ou aux juridictions nationales, de scinder en plusieurs motifs l’un des motifs de discrimination énumérés à l’article 1er de la directive. La Cour justifie son interprétation par la volonté de protéger l’effet utile du cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail mis en place par la directive. 

 

Concernant la réponse à la question tenant à l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, sous a), la Cour reprend les conclusions de la décision G4S Secure Solutions du 14 mars 2017 (C-157/15) et mobilise de nouveau l’arrêt WABE et MH Müller Handel. La Cour réitère que cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’une règle interne d’une entreprise privée interdisant le port de tout signe visible de convictions politiques, philosophies ou religieuses sur le lieu de travail n’est pas constitutive d’une discrimination directe « fondée sur la religion ou les convictions » dès lors qu’elle est appliquée de manière générale et indifférenciée à tous les travailleurs. 

Lina NATHAN

M2 Droit européen des Droits de l’Homme

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