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La précision quant à la compétence des juridictions des États membres dans le cadre d’un déplacement illicite d’enfant par la CJUE
(CJUE, 13 juillet 2023, TT c/ AK, C‑87/22)

L’arrêt du 13 juillet 2023 rendu par la Cour de justice de l’UE est un renvoi préjudiciel portant sur l’interprétation du Règlement 2201/2003 dit « Règlement de Bruxelles II bis » relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. Les questions relatives à ce renvoi préjudiciel portent plus précisément sur l’article 15 de ce règlement, intitulé « renvoi à une juridiction mieux placée pour connaître de l’affaire ».

L’affaire en question porte sur la bataille entreprise par un couple de parents slovaques quant au droit de garde de leurs enfants. La famille habitait en Autriche avant la séparation des parents, mais les enfants ont toujours été scolarisés en Slovaquie. Ils n’ont que très peu d’attache avec l’Autriche.

En juillet 2020, soit postérieurement à leur séparation, la mère décide d’emmener les enfants en Slovaquie sans le consentement du père. Le père introduit alors une demande de retour des enfants en vertu de la Convention de La Haye de 1980 devant l’Okresny súd Bratislava (tribunal de district de Bratislava, Slovaquie). Et parallèlement, il introduit une requête devant le Bezirksgericht Bruck an der Leitha (soit le tribunal de district de Bruck-sur-la-Leitha, Autriche) afin de se voir attribuer la garde exclusive de ses enfants. 

La mère a dès lors sollicité de cette dernière juridiction autrichienne qu’elle demande à la juridiction slovaque de se déclarer compétente en matière de droit de garde des enfants. La juridiction autrichienne a fait droit à la demande de la mère. Le père a donc interjeté appel.

C’est à la suite de ces évènements que la juridiction d’appel autrichienne (Landesgericht Korneuburg) a demandé à la Cour de justice de l’UE d’interpréter le Règlement Bruxelles II bis.

Deux questions préjudicielles ont alors été posées à la Cour. 

La première étant de savoir si une juridiction compétente pour connaître le fond de l’affaire pouvait demander à une juridiction d’un autre État membre d’exercer sa compétence si cette dernière est mieux placée pour connaître de l’affaire, et ce même lorsque l’autre État membre est un État dans lequel l’enfant a acquis une résidence habituelle à la suite d’un déplacement illicite. 

La deuxième question porte sur le fait de savoir si les critères de l’article 15 du règlement, permettant de déterminer si la juridiction de l’autre Etat membre est mieux placée pour connaître de l’affaire sont exhaustifs, ou si une procédure engagée au titre de la Convention de La Haye de 1980 sur l’enlèvement international d’enfants, lorsqu’elle existe, doit être prise en considération. 

Il est important de souligner que, comme rappelé par la Cour, selon ce règlement, en principe est compétente pour connaître d’un litige relatif au droit de garde la juridiction de l’État membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle au moment où la juridiction est saisie. 

Toutefois, en cas de déplacement illicite de l’enfant, le principe est que les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant ce déplacement conservent leur compétence et ce afin de dissuader de tels déplacements.

 

La CJUE répond dans son arrêt que la juridiction d’un État membre compétente pour statuer sur le fond du droit de garde en raison du fait que l’enfant avait sa résidence habituelle dans cet État membre immédiatement avant son déplacement vers un autre État membre par l’un des parents peut exceptionnellement demander le renvoi du litige à une juridiction de cet autre État membre. 

 

Néanmoins trois conditions cumulatives doivent être respectées. Tout d’abord, l’enfant doit avoir un lien particulier avec cet autre État membre, cette autre juridiction doit être mieux placée pour connaître du litige (sur avis d’une juridiction compétente) et le renvoi doit servir l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

En ce qui concerne la seconde question jurisprudentielle, la Cour a considéré que dans le cadre de l’étude des deux dernières conditions, la juridiction doit prendre en compte l’existence d’une procédure de retour de cet enfant sur le fondement de la Convention de La Haye 1980.

 

Faustine Péclier

M2 DEDH

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