Les femmes qui s’identifient à la valeur de l’égalité entre les femmes et les hommes peuvent relever d’un certain groupe social, et bénéficier du statut de réfugié
CJUE, 11 juin 2024, K et L contre Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, C-646/21
L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 11 juin 2024 concerne la protection internationale et la possibilité d’accorder le statut de réfugié aux femmes s’identifiant à la valeur de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Il s’agit du cas de deux sœurs de nationalité iraquienne arrivées aux Pays-Bas en 2015 qui ont vu leurs demandes d’asile rejetées à plusieurs reprises en 2017 puis en 2020. Pour contester ces décisions, elles font valoir devant la juridiction de renvoi que leur séjour de longue durée au Pays-Bas les a fait adopter des normes et des valeurs occidentales d’égalité entre hommes et femmes. Elles craignent ainsi la persécution dans leur pays d’origine en raison de cette acclimatation et soutiennent donc appartenir à un groupe social au sens de l’article 10 de la directive 2011/95/UE.
La juridiction de renvoi rappelle la jurisprudence interne affirmant que les « femmes occidentalisées » constituent un groupe trop hétéroclite pour qu’elles puissent être considérées comme appartenant à un « certain groupe social », et que « l’occidentalisation » est examinée en tant que motif de persécution fondé soit sur la religion, soit sur les opinions politiques. Elle demande toutefois à la Cour de justice de l’Union européenne, par le biais du renvoi préjudiciel en interprétation, s’il est conforme à l’article 10 de la directive 2011/95/UE d’exiger que « l’occidentalisation » ne puisse déboucher sur le statut de réfugié que si elle est animée par des motifs politiques ou religieux et non pas des normes et des valeurs assimilées durant le séjour.
Pour répondre à cette question, la Cour commence par définir la notion « d’appartenance à un groupe social », celle-ci devant réunir deux conditions cumulatives. D’une part il faut partager l’un des trois traits d’identification : une caractéristique innée, une histoire commune qui ne peut être modifiée ou alors une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce. Sur ce point, la Cour affirme que le fait d’être de sexe féminin « constitue une caractéristique innée et suffit à satisfaire cette condition » (§41). Mais la Cour admet plus largement que les autres traits d’identification peuvent être admis également, comme le fait que des femmes ayant séjourné dans un État membre pendant la phase de leur vie où leur identité se forme et se sont identifiées à la valeur fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes partagent ainsi une histoire commune qui ne peut être modifiée.
En ce qui concerne la deuxième condition d’identification, concernant l’identité propre de ce groupe social dans le pays d’origine, la Cour confirme la possibilité de considérer les femmes partageant la valeur fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes comme appartenant à un certain groupe social. Dans ce cas la Cour rappelle que c’est aux autorités compétentes de l’État membre concerné de déterminer dans quelle société environnante ce groupe social existe. La Cour va également élargir cette possibilité aux femmes mineures (§51).
La Cour répond ainsi par l’affirmative aux questions préjudicielles posées : d’une part les femmes, y compris mineures qui partagent comme caractéristique commune leur identification effective à la valeur fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes peuvent être reconnu comme appartenant à un « certain groupe social ». Et d’autre part dans le cadre de l’évaluation de la demande de protection internationale, l’intérêt supérieur du mineur doit avoir été déterminé.
VNUK joseph
M2 DEDH