Le Conseil d'État juge illégal le refus du ministère de l’intérieur d'agir contre le non-respect, par les forces de l'ordre, de leur obligation d'identification
(Conseil d’État, 11 octobre 2023, LDH et autres, n°467.771)
Le Conseil d’État a rendu un arrêt le 11 octobre 2023 après avoir été saisi par la Ligue des droits de l'homme (LDH) et l'association Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT). Ces dernières ont demandé au ministre de l’Intérieur de s’assurer que les forces de l’ordre respectaient effectivement leur obligation de porter, de manière visible, leur identifiant. Pour rappel, le numéro d’identification est composé de 7 chiffres, et est apposé sur une bande détachable fixée sur l’épaule ou la poitrine de 5 cm de long (4,2 cm pour les gendarmes) sur 1,2 cm de large. Les associations requérantes soutiennent, à l’appui de témoignages, photographies et vidéos, que le numéro d’identification des forces de l’ordre est souvent recouvert par des équipements de protection, voire même complètement absent lorsque le bandeau sur lequel il figure n’est pas porté. Ces constats sont par ailleurs confirmés par plusieurs rapports du Défenseur des droits et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Leurs requêtes ayant abouti à un refus implicite, elles demandent au Conseil d’État de prescrire au ministre de mettre en place les mesures demandées.
Le Conseil d’État commence par rappeler le cadre posé par le code de la sécurité intérieure (article R.432-15), complété par l’arrêté du 24 décembre 2013 sur les conditions et modalités de port du numéro d’identification individuel par les policiers et gendarmes. Il ressort de ces dispositions, l’obligation pour ces derniers de porter leur numéro d’identification individuel lorsqu’ils exécutent leurs missions en tenue d’uniforme ou qu’ils portent un brassard de police. Il appartient toutefois à l’autorité administrative de déterminer les modalités du port de ce numéro de manière à ce qu’il soit apparent et lisible par le public. Or, le Conseil d’État constate une carence de l’autorité administrative, en ce qu’elle est incapable de faire respecter cette obligation par ses agents. Il en déduit que les associations requérantes sont fondées à demander l’annulation du refus implicite du ministre de prendre les mesures nécessaires pour faire respecter l’obligation du port effectif et apparent du numéro d’identification individuel.
Par ailleurs, le Conseil d’État enjoint également au ministre de faire respecter cette obligation par les agents dans un délai de douze mois, et de modifier les dimensions du numéro d’identification individuel afin de le rendre plus lisible par le public dans tous les contextes opérationnels où son port est obligatoire.
Melissa SKANDER
M2 DEDH