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L'inefficacité des autorités tchèques à protéger et à sanctionner les actes sexuels non consentis dénoncés par une victime vulnérable constitue un manquement au regard des exigences de la Convention

CEDH, 20 juin 2024, Z c. République Tchèque, Requête no 37782/21

Dans une décision rendue le 20 juin 2024, la Cour européenne des Droits de l’Homme (ci-après « CEDH ») a constaté que la République tchèque avait violé les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs à l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants ainsi qu’au respect de la vie privée. 

 

En l’espèce, la requérante se plaignait d’avoir subi des actes sexuels non consentis entre 2008 et 2009 de la part d’un prêtre qui était également son professeur d’université. Elle affirmait que celui-ci avait profité de sa vulnérabilité psychologique en raison de la santé fragile de son père et de sa réaction post-traumatique aux abus antérieurement subis. 

 

L’affaire a été classée sans suite par la police en raison d’un défaut de caractérisation des infractions de viol et d’abus sexuel. Les nombreux recours effectués en droit interne par la requérante n’ont pas abouti. 

 

La requérante a finalement saisi la CEDH en invoquant une violation des articles 3 et 8 de la Convention. Notamment, elle invoque l’interprétation restrictive des autorités tchèques concernant les éléments constitutifs des infractions de viol et d’abus sexuel, tels que définis par le Code pénal en vigueur à l’époque des faits. Elle dénonce également un cadre juridique insuffisant pour punir effectivement ces délits sexuels dont elle allègue avoir été victime, ainsi qu’un manque d’enquête effective.

 

Dans un premier temps, la Cour rappelle les principes généraux établis dans sa jurisprudence (en particulier dans l’affaire M.C. c. Bulgarie, no 39272/98, § 149-152) lesquels énoncent les obligations positives des États en vertu des articles 3 et 8 de la Convention. Ces derniers doivent adopter des dispositions pénales réprimant de manière effective tout acte sexuel non consenti, même sans résistance physique de la part de la victime (§50). Ils doivent mettre en place un cadre législatif et réglementaire pour protéger de manière adéquate les individus contre toutes atteintes physiques et morales. La Cour ajoute que les États ne doivent pas interpréter de manière restrictive la définition du viol, ce qui risquerait de favoriser l’impunité et de compromettre la protection effective de l’autonomie sexuelle de l’individu (§52). Les États ont par ailleurs l’obligation de mener des enquêtes officielles efficaces.

 

Dans un second temps, la Cour applique les principes précédemment rappelés au cas d’espèce. Concernant l’infraction de viol, elle observe d’abord que les faits dénoncés par la requérante étaient définis par la loi tchèque. La Cour doit donc déterminer si les autorités ont respecté leurs obligations positives pour garantir à la requérante une protection effective contre les actes sexuels non consentis qu’elle a subis. Elle note que, bien que la victime ait exprimé son opposition à plusieurs reprises et qu’elle ait pu avoir une réaction passive face au prêtre en raison de sa supériorité, les autorités tchèques n'ont pas procédé à une évaluation contextuelle des déclarations faites ni vérifié les circonstances entourant les faits. En effet, pour la Cour, il aurait été crucial de prendre en compte le profil psychologique de la requérante, qui avait déjà subi des abus antérieurement. De plus, les autorités n’ont pas suffisamment analysé si la requérante se trouvait en situation de vulnérabilité particulière et de dépendance vis-à-vis du prêtre (§57). En dépit de l’existence de cette jurisprudence à l'époque des faits, les autorités nationales ont fait une interprétation restrictive, entraînant le classement sans suite de l'affaire.

 

Concernant l’infraction d’abus sexuels, en concluant que la requérante ne se trouvait pas sous le contrôle du prêtre et que son libre arbitre n’avait pas été limité du fait de son âge adulte, les autorités nationales ont omis de mettre en œuvre une évaluation contextuelle en tenant compte in concreto de l’état psychologique de la requérante (§59). 

 

La Cour conclut que l’approche adoptée par les autorités tchèques n’a pas permis à la requérante de bénéficier d’une protection effective. En conséquence, elle juge que l’État défendeur a manqué à ses obligations, qui incluent l'application effective d'un système pénal capable de réprimer les actes sexuels non consentis allégués par la requérante.

 

Partant, la CEDH conclut à la violation des articles 3 et 8 de la Convention.

GUIGUE Garance

M2 DEDH

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