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La Condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme en raison d’une sanction pénale allant à l’encontre du principe de légalité des délits et des peines.

CEDH, 9 juillet 2024, Delga c. France, n°38998/20

Le 9 juillet 2024 la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné la France en violation de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH), protégeant le respect du principe de légalité, en raison d’une sanction pénale infligée à l’encontre de Carole Delga.

La loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine prévoit à son article 6 la signature de contrats de ville conclus à l’échelle intercommunale à des fins de mise en œuvre de la politique de la ville. Ces contrats sont signés entre l’État, le président de l’établissement public de coopération intercommunale, et les maires des communes, mais également les Régions et les Départements. C’est dans ce cadre-là que Carole Delga, présidente de la Région d’Occitanie, s’est vu soumettre la signature d’un contrat de ville avec la Commune de Beaucaire. Le 15 avril 2016, lors d’une séance plénière du Conseil régional, Madame Delga a refusé la signature du contrat en se justifiant par le fait que ce dernier prévoit la construction d’un Lycée à Beaucaire, alors qu’en accord avec le rectorat, la Région souhaite en construire un à l’Ouest de Nîmes.

A la suite de ce refus, la commune de Beaucaire, prise en la personne de son maire appartenant au Rassemblement national, a fait citer la requérante devant le tribunal correctionnel le 4 mai 2016. En effet ce refus est vu comme un acte de discrimination à l’égard de la Commune de Beaucaire et de son maire en raison de ses convictions politiques. Finalement le 26 avril 2019 la Cour d’appel de Nîmes condamne la requérante pour discrimination. A la suite d’un pourvoi sans succès, la requérante saisit la Cour européenne des droits de l’Homme considérant l’interprétation faite de la loi du 21 février 2014 comme contraire à l’article 7 de la CEDH. Parallèlement à cette procédure, le tribunal administratif a lui rejeté la requête de la commune contre le rejet de signature du contrat.

 

Afin de déterminer l’existence d’une violation à l’article 7 de la CEDH, la Cour rappelle que le principe de légalité est absolu et requiert la définition claire des infractions. Cependant la Cour admet la nécessité de laisser une marge de manœuvre aux juges internes. Le respect du principe de légalité nécessite donc une interprétation cohérente avec la substance de l’infraction et raisonnablement prévisible.

En l’espèce la question ne se porte pas sur la clarté de la règle de droit, mais sur la prévisibilité de l’interprétation qu’en a fait le juge interne.

Le problème de prévisibilité de l’interprétation porte sur l’article 432-7-1° du code pénal qui prend effet dans le cas d’une discrimination commise par une personne dépositaire de l’autorité publique, consistant  « [à] refuser le bénéfice d'un droit accordé par la loi ». C’est sur cette notion que la prévisibilité de l’interprétation est remise en cause. 

Pour apprécier la prévisibilité de cette interprétation, la Cour évoque tout d’abord la jurisprudence de la Cour de cassation sur cette notion de « droit accordé par la loi ». Il s’agit d’un droit existant et non éventuel, dont l’octroi ne relève pas de la libre appréciation de la personne dépositaire de l’autorité publique. Dit autrement, en l’espèce, l’infraction ne pouvait être constituée que si la requérante était en situation de compétence liée, l’obligeant à signer le contrat de ville.

Or, pour la Cour, il ressort de l’étude du droit national que la requérante n’était pas tenue de signer le contrat de ville. Elle se fonde notamment sur les travaux préparatoires de la loi de 2014, ces derniers témoignant du souhait de respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales en n’obligeant pas à la contractualisation, ce qui sera confirmé par une circulaire du Premier ministre postérieure à la loi de 2014.

Enfin, la Cour relève que le tribunal administratif, dans la même affaire, a rejeté le recours de la commune de Beaucaire contre la décision de la requérante de ne pas signer le contrat de ville. Elle en déduit l’interprétation du juge judiciaire quant à l’existence d’une obligation de contractualisation présentait un caractère isolé et imprévisible.

En définitive, il ressort de cet arrêt, qui a pu être qualifié de victoire politico juridique, que ce qui était présenté comme une discrimination par la commune de Beaucaire n’était en réalité que l’exercice par une présidente de région de la libre administration des collectivités territoriales. 

VNUK Joseph

M2 DEDH

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