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Décès d’un détenu toxicomane en prison : la CEDH conclut à l’absence de faute de l’État français, soulignant l’obligation de moyens face aux trafics de médicaments.

CEDH, 11 juillet 2024, Sahraoui et autres c. France - Requête n° 35402/20

Dans une décision rendue le 11 juillet 2024, la Cour européenne des droits de l’Homme (ci-après « CEDH » ou « la Cour ») a jugé que les autorités pénitentiaires françaises n’avaient pas manqué à leur obligation positive au titre de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme.

 

En l’espèce, un détenu toxicomane est décédé dans sa cellule à la suite d'une intoxication médicamenteuse. L’enquête a révélé que le décès résultait d’une prise combinée de son traitement prescrit et de médicaments non prescrits, probablement obtenus illégalement auprès d’un codétenu.

Les recours de la famille du défunt auprès des juridictions administratives internes qui visaient à obtenir la condamnation de l’État pour faute ont été rejetés. Les juridictions internes ont conclu à l’absence de défaut de surveillance de la part des autorités pénitentiaires. Le Conseil d’État a déclaré leur pourvoi irrecevable.    

Les requérants ont donc saisi la CEDH, alléguant une violation de l’article 2 de la Convention, protégeant le droit à la vie. Notamment, ils estiment que le détenu aurait dû faire l’objet d’une surveillance accrue et que les autorités compétentes n’ont pas pris les mesures que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour protéger sa vie. 

La Cour rappelle que l'État a l’obligation non seulement de s’abstenir de donner la mort de manière illégale, mais aussi de prendre les mesures nécessaires pour protéger la vie des personnes sous sa juridiction (§55). Elle doit alors examiner si les autorités avaient pris les mesures raisonnablement attendues pour éviter le décès du détenu (§63).

Dans un premier temps, s’agissant de l’absence de vigilance médicale renforcée, la Cour a constaté que le détenu avait bénéficié d’une double évaluation à son arrivée le classant dans la catégorie de « détenu ordinaire », d'un suivi régulier de l’ordre d’une fois par semaine avec son médecin et d’un traitement ajusté, sans que cela ait un effet néfaste sur sa santé. A l’appui de son raisonnement, la Cour met en avant le rapport du médecin indiquant que le changement de traitement n’avait eu aucune conséquence néfaste sur la santé du détenu. 

Dans un second temps, s’agissant de l’absence de surveillance médicale renforcée, la Cour relève que le décès du détenu trouve son origine dans une intoxication polymédicamenteuse en partie causée par la prise de médicaments non prescrits par les soignants, médicaments vraisemblablement obtenus illégalement entre codétenus. Avec prudence, la Cour reste consciente du problème majeur de trafic de médicaments en milieu carcéral, et rappelle que l’obligation des autorités est une obligation de moyen et non de résultat (§71). Cependant, pour soutenir le point de vue des requérants, la Cour note qu’il revient à ces autorités de porter une attention particulière aux détenus souffrant d’addiction en procédant à des examens médicaux plus poussés ou à un changement d’organisation. Elle a noté qu’en l’espèce, aucun élément ne laissait penser que les autorités auraient dû renforcer la surveillance au regard de l’assistance quotidienne du détenu. De plus, l’arrivée récente de ce dernier ne permettait pas d’établir avec certitude l’existence d’un trafic de médicaments. Malgré le transfert tardif de son codétenu, la Cour estime que les autorités n’ont pas failli à leur obligation de veiller à la bonne administration du traitement (§72). 

Enfin, s’agissant de la prise en charge du détenu le jour de son décès, la Cour relève que l’augmentation du traitement de ce dernier la veille du décès n’a aucunement contribué à une dégradation rapide de son état de santé. Par ailleurs, elle conclut que les soins prodigués le jour du décès étaient appropriés et qu’il était impossible d'établir un lien de causalité direct entre les omissions alléguées par les requérants et le décès du détenu. Ainsi, elle juge que les autorités n’ont pas manqué à leur devoir de vigilance.  

Partant, la CEDH conclut à l’absence de violation de l’article 2 de la Convention.

GUIGUE Garance

M2 DEDH

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