
Inopérance du moyen tiré de la violation de l’article 3 CEDH en l’absence de risque imminent.
Conseil d’État, 30 juillet 2024, M. A…, n°489200
Le 30 juillet 2024, le Conseil d’État rend un arrêt selon lequel il est établi que le risque réel de violation de l’article 3 CEDH, qui pourrait emporter l’inexécution d’une demande d’extradition, ne doit pas être constaté à l’issue d’un délai particulièrement long.
En l’espèce, le Conseil d’État statue sur un recours pour excès de pouvoir (REP) dirigé contre le décret du 12 septembre 2023, autorisant l’extradition de M. A…B…, de nationalité allemande, aux Etats-Unis. En effet, le tribunal fédéral du district du sud de New-York a émis ce mandat d’arrêt le 21 décembre 2017 pour des faits qualifiés de participation à un complot en lien avec Al-Qaïda en vue de tuer des ressortissants des Etats-Unis.
Dans ce contexte, le Conseil d’État applique les dispositions du traité d’extradition entre la France et les États-Unis d’Amérique du 23 avril 1996, et plus particulièrement les dispositions de l’article 8 dudit traité selon lesquelles « L'extradition n'est pas accordée lorsque la personne réclamée a fait l'objet dans l'Etat requis d'un jugement d'acquittement ou de condamnation ayant acquis un caractère définitif, pour l'infraction à raison de laquelle l'extradition est demandée ».
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A…B… a été condamné par la cour d’assise spéciale de Paris le 16 juin 2023 à une peine de vingt ans de réclusion criminelle pour des faits qualifiés de tentatives d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste, commis au cours de sa détention en France pour exécuter la peine de réclusion à laquelle il avait été condamné en 2009.
La requête soutient cependant que l’extradition de M. A…B… serait contraire aux dispositions de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) selon lesquelles « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Selon la requête, une telle extradition aux États-Unis exposerait M. A…B… à une peine incompressible de réclusion à perpétuité, sans possibilité de réexamen et, le cas échéant, d'élargissement, et ainsi, à une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Cependant, le Conseil d’État met en application l’article 16§2 du traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis qui dispose que « L'Etat requis peut ajourner l'extradition à l'encontre d'une personne si des poursuites sont en cours à son encontre ou si elle exécute une peine dans cet Etat. Cet ajournement peut continuer jusqu'à la fin des poursuites contre la personne réclamée et jusqu'à l'exécution définitive de toute peine prononcée ».
De cette manière, M. A…B… n’est susceptible d’être remis aux autorités américaines qu’à la fin de l’exécution définitive de sa peine de réclusion, soit après un délai particulièrement long.
Ainsi, les allégations de violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme sont inopérantes, dès lors qu’il ne risque d’être exposé à des traitements contraires à l’article 3 précité qu’à l’issue d’un délai long de plusieurs années en l’espèce. Si ce moyen doit être écarté, le requérant pourra toutefois saisir à nouveau le Conseil d’Etat d’un recours en excès de pouvoir à l’encontre de la décision de remise aux autorités étasuniennes, lorsqu’il aura purgé sa peine en France et que la demande d’extradition ne pourra de ce fait plus être ajournée.
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