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Revenge porn : les sages déclarent l’article 226-2-1 du Code pénal conforme à la Constitution

 

(CC, 30 septembre 2021, Décision n°2021-933 (QPC))

Le revenge porn - ou revanche pornographique - consiste à diffuser un contenu de nature sexuelle impliquant un individu n’ayant pas accepté ladite diffusion, et ce dans le but de se venger d’elle. Son développement ainsi que le refus de la Cour de cassation de condamner l'auteur de la diffusion d'une image à caractère sexuel au prétexte que la victime avait donné son consentement lors de sa captation (Cass. crim., 16 mars 2016, n° 15-82.676) a appelé le législateur à légiférer. C’est dans ce contexte que fut adoptée la Loi pour une République numérique le 7 octobre 2016 ayant ajouté l’article 226-2-1 du Code pénal ; son second alinéa punit « le fait de diffuser, sans l'accord de la personne intéressée, des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenues avec son consentement, à l'aide de l'un des actes mentionnés à l'article 226-1 du code pénal » (pt 4 de la décision). Cette atteinte à la vie privée est punie de 2 ans d’emprisonnement et de 60 000€ d’amende, une sanction plus lourde que celle prévue pour les autres types d’atteinte à la vie privée. 

Cette disposition fut contestée devant le Conseil constitutionnel, saisi le 30 juin 2021 par la Cour de cassation (Cass. crim., 23 juin 2021, n° 21-80.682) dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Le 30 septembre 2021, les sages ont déclaré le second alinéa de l’article 226-2-1 du Code pénal conforme à la Constitution.

Selon la requérante, qui avait été condamnée pour la diffusion publique d’images et de vidéos à caractère sexuel de son ex-amant sans son consentement (CA Montpellier, ch. corr., 6 janv. 2021, no 18/00336, Mme K., épouse G. c/ M. D.), ces dispositions méconnaîtraient les principes de légalité et de nécessité des délits et des peines, et ce à plusieurs titres. En effet, l’expression « images ou paroles à caractère sexuel », ainsi que les conditions de captation et de diffusion de celles-ci, ne seraient pas assez précises ; de plus, les conditions permettant de caractériser l’absence de consentement à leur diffusion seraient inexistantes. Enfin, l’élément intentionnel permettant de caractériser l’infraction serait absent de la disposition. 

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a rappelé la compétence du législateur - qu’il tient de l’article 34 de la Constitution - s’agissant de la détermination du champ d’application de la loi pénale ainsi que de la définition des crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire, tel qu’il en résulte de l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Pour déclarer la disposition contestée conforme à la Constitution, le Conseil constitutionnel affirme que « les termes « un caractère sexuel » et « en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion » sont suffisamment clairs et précis pour exclure le risque d’arbitraire » (point 5 de la décision) ; il reviendra aux juridictions saisies d’apprécier ces deux conditions. En outre, le Conseil Constitutionnel a confirmé la rédaction du législateur s’agissant des actes matériels ayant permis l’obtention de ces images ou paroles - pour lesquels il renvoie à l’article 226-1 du Code Pénal - et de leur mode de diffusion.

Il semble ainsi que le Conseil constitutionnel soutienne le législateur dans sa volonté de ne pas restreindre l’incrimination ; l’étendue de son champ d’application permet donc que les victimes de revenge porn - sous toutes les formes que cela recouvre - puissent obtenir justice. Une telle rédaction semble également permettre que l’incrimination puisse évoluer au rythme des progrès informatiques. 

Par Lucie CARLOT (Master 1) et Manon CHAVAS (Master 2)

 

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