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Les conditions d’application dans le temps du recours en cas de détention provisoire indigne précisées par la Cour de cassation 

(Cass., crim., 20 octobre 2021, pourvoi n°21-84.498)

 

La Cour de cassation s’est prononcée sur le recours formé par un détenu dans le cas du non-respect de sa dignité humaine lors de sa détention provisoire. Le contexte sous-tendant cet arrêt rendait nécessaire une évolution jurisprudentielle ; en effet, l’absence de recours effectif devant les autorités françaises en cas d’indignité dans les conditions de détention n’a cessé d’être déplorée et a été sanctionnée tant au niveau externe qu’interne. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation, dans son récent arrêt, revient sur différentes affaires ayant traité du droit au recours effectif dans le cadre d’une détention provisoire. Après une condamnation de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, 30 janvier 2020, J.M.B c/ France) ayant estimé qu’un simple recours en indemnisation était insuffisant pour garantir l’effectivité de l’interdiction des traitements inhumains et dégradants découlant de l’article 3 de la Convention, la chambre criminelle a admis un nouveau motif de mise en liberté pour la détention provisoire dans la situation où il y aurait des conditions indignes de détention (Cass. crim., 8 juillet 2020, n°20-81.739). 

 

Par la suite, en avril 2021, le législateur est venu corriger la carence législative par une loi créant un recours effectif et autonome « permettant à toute personne détenue qui estime de subir des conditions de détention contraires à sa dignité, de saisir le juge judiciaire » (Cons. cons., décision QPC, 2 octobre 2020). De ce fait, la Cour de cassation, en octobre 2021, en a déduit que « la création de ce recours prive de son objet la faculté ouverte de manière générale pour la Cour de cassation en raison de carence de la loi » :  cette loi remplace donc la faculté qu’avait un justiciable d’invoquer les conditions indignes de sa détention devant le juge en vertu de l’arrêt de la chambre criminelle de juillet 2020. 

 

Partant, la Cour de cassation clarifie les conditions d’application dans le temps de ce nouveau recours. Elle précise que les recours formés avant le 1er octobre 2021, date de l’entrée en vigueur de la législation, sont soumis aux règles antérieures dégagées par la jurisprudence. Ainsi, pour les demandes à compter du 1er octobre 2021, les recours formés sont présentés devant le juge des libertés et de la détention dans les conditions prévues par l’article 803-8 du code de procédure pénale. Également, la chambre criminelle ajoute qu’elle reste compétente pour contrôler l’effectivité de ce nouveau recours au regard des exigences de la Convention européenne des droits de l’Homme. La Cour semble alors insister sur ce rôle de « gardienne de l’effectivité » d’un tel recours. En outre, si elle ne remet pas directement en cause le nouvel article, la Cour de cassation ne ferme toutefois pas la porte à l’éventualité de le faire à l’avenir, et ainsi de poursuivre l’application de sa jurisprudence antérieure - laquelle peut sembler moins restrictive quant à l’octroi de la mise en liberté en cas d’indignité des conditions de détentions.  

 

 

Par Mathilde LIGONNET (Master 1) et Semra TOSUNI (Master 1)

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