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La sanction de mise à la retraite d’un ambassadeur contrôlé par le Conseil d’Etat : un contrôle juridictionnel respectant l’article 6 § 1 de la Convention

(CEDH, 3 novembre 2022, Dahan c/ France, requête n°32314/14)

Dans cette affaire, le requérant est né à Paris en 1949. Nommé ambassadeur Représentant permanent de la France auprès du Conseil de l’Europe en 2009, il va alors faire l’objet d’une évaluation dite « à 360° ». Cette pratique s’illustre dans le fait qu’elle comprend aussi l’évaluation du requérant par ses subordonnés. Il ressort de celle-ci qu’il exerce de manière correcte sa mission mais qu’il a notamment des « attitudes déplacées à l’égard de l’autre sexe ».

 

En août 2010, il est convoqué par le directeur général de l’administration (DGA), M.R, à la suite d’une plainte déposée à son encontre au ministère des Affaires étrangères et européennes (MAEE). Lors de cette convocation, il prend ainsi connaissance  du comportement qu’on lui reproche à l’égard des femmes.

 

En septembre 2010, alors qu’il venait d’être envoyé en mission à Strasbourg, M.R lui demande de ne pas reprendre son poste. Le rapport d’inspection met en avant un acharnement particulier à l’égard d’une agente contractuelle, exigeant de mettre fin aux fonctions du requérant. Quelques jours plus tard, un nouveau Représentant permanent de la France auprès du Conseil de l’Europe est nommé par décret.

 

Le requérant demande au Conseil d’Etat (CE) d’annuler ce décret et son évaluation pour excès de pouvoir. En novembre 2010, M.R l’informe de la procédure disciplinaire engagée à son encontre. Il est convoqué devant la commission réunie en conseil de discipline le 7 décembre 2010, jour où M.R, président de la commission, se prononce en faveur de sa mise à la retraite d’office.

 

Le Président de la République prononce sa mise à la retraite par décret le 3 février 2011 et le ministre décide de sa radiation au corps des ministres plénipotentiaires par décret du 8 mars 2011. De ce fait, en mars 2011, le requérant demande au Conseil d’Etat d’annuler ces deux décrets pour excès de pouvoir. En juillet et novembre 2013, le CE rejette toutes ses requêtes.

 

Le 16 avril 2014, le requérant invoque une violation du droit à un procès équitable (article 6) devant la CEDH, en ce sens que le rôle de M.R dans sa procédure disciplinaire avant le prononcé de sa sanction n’aurait pas respecté l’exigence d’impartialité.

 

La Cour va estimer qu’il n’y a pas lieu de vérifier si le conseil de discipline a rendu son avis conformément à l’article 6 § 1 car ce n’est pas un organe juridictionnel mais qu’elle doit s’assurer que le requérant a pu jouir du droit à un tribunal et à une solution juridictionnelle nécessitant un contrôle d’un organe judiciaire de pleine juridiction.

 

Etant donné que le requérant ne conteste pas la procédure juridictionnelle suivie par le CE, la CEDH porte son examen sur l’étendue du contrôle du CE. Le CE a exercé un contrôle entier et était susceptible d’annuler cette sanction. Un tel contrôle correspond au contrôle de pleine juridiction exigée par la CEDH.

 

En conclusion, la CEDH a, à l’unanimité, dit qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 6 § 1 et que la cause du requérant a été examinée en conformité avec celui-ci.

 

Cependant, nous ne pouvons que relever l’importance du délai de 8 années durant lequel le requérant a dû attendre la décision de la CEDH, laissant le temps au CE de codifier en droit interne français les décisions de 2013. Cet aspect est regrettable si on se place du point de vue de l’efficacité des décisions du juge européen.

 

Emma DURAND

M2 Droit européen des Droits de l’Homme

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