top of page

L’annulation d’une obligation de quitter le territoire français prise à l’encontre d’un étranger impose au préfet de munir celui-ci d’une autorisation provisoire de séjour 

 

(Conseil d’État, 17 octobre 2023, n°468993)

Le 17 octobre 2023, la 7ème chambre du Conseil d’État, saisie d’une requête déposée par un ressortissant étranger, a dû trancher la question de savoir si l’annulation d’une obligation de quitter le territoire français imposait au préfet de réexaminer la situation de l’intéressé et de se prononcer sur son droit au séjour. 

En l’espèce, le requérant, ressortissant géorgien, arrivé en France en juillet 2018 avait déposé une demande d’asile, rejetée par une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 18 septembre 2018. Par la suite, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a rejeté le recours formé par M. A contre la décision de l’OFPRA. Le requérant, à la suite du refus de l’OFPRA de réexaminer sa demande d’asile, va se voir contraint de quitter le territoire français par décision du préfet. Cette décision sera cependant annulée par le tribunal administratif de Toulouse, lequel enjoindra au préfet de réexaminer la situation du requérant. Le 1er septembre 2020, le préfet va rejeter la nouvelle demande de titre de séjour déposée par le requérant pour raison de santé le 25 août 2020. Cette décision sera infirmée par le tribunal administratif de Toulouse qui va enjoindre au préfet d’enregistrer la demande de titre de séjour. Enfin, sur appel du préfet, la cour administrative d’appel de Bordeaux va annuler le dernier jugement et rejeter l’appel formé par M. A. Le requérant va alors se pourvoir en cassation et demander au Conseil d’État d’annuler l’arrêt de la cour administrative d’appel. 

A l’appui de sa demande, le requérant soulève deux moyens selon lesquels une erreur de droit aurait été commise par la cour administrative d’appel de Bordeaux. Tout d’abord, selon le requérant, la cour aurait commis une erreur de droit durant le réexamen d’une demande de titre de séjour résultant d’une injonction prononcée par le juge administratif. En effet, elle a fait application des dispositions de l’article L311-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) selon lesquelles un étranger ayant présenté une demande d’asile ne peut, à l’expiration d’un délai courant à compter de la présentation de cette demande, solliciter une admission au séjour à un autre titre. Autrement dit, la base juridique ayant fondé la décision de la cour administrative d’appel ne serait pas applicable aux faits en cause. Ensuite, selon M. A, la cour administrative d’appel aurait également commis une erreur en retenant que l’annulation contentieuse d’une décision faisant obligation de quitter le territoire français (OQTF) ne constituait pas une circonstance nouvelle au sens de l’article L311-6 du CESEDA. 

L’enjeu était donc de savoir si le préfet était tenu de réexaminer la situation de l’intéressé à la suite de l’annulation de l’OQTF prise à son encontre ou s’il pouvait, légalement, rejeter la demande de titre de séjour comme irrecevable car tardive. 

Le 17 octobre 2023, le Conseil d’État va répondre par la négative et annuler l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Bordeaux. A l’appui de son raisonnement, la Haute juridiction administrative évoque les articles L512-4 et L311-6 du CESEDA. Aux termes de ces dispositions, l’annulation d’une obligation de quitter le territoire français, prise à l’encontre d’un ressortissant étranger, oblige le préfet à munir ce dernier d’une autorisation provisoire de séjour de manière spontanée et sans qu’il puisse lui opposer le délai prévu à l’article L311-6 du CESEDA. 

Ainsi, la cour administrative d’appel de Bordeaux aurait commis une erreur de droit en jugeant que le préfet de la Haute-Garonne pouvait refuser l’enregistrement de la demande de titre de séjour en la qualifiant d’irrecevable car tardive. Ce, alors même que le préfet était tenu de se prononcer sur le droit au séjour du requérant à la suite de l’annulation de l’OQTF prise à son encontre. Autrement dit, le préfet ne pouvait fonder son refus d’enregistrer la demande de titre de séjour sur la tardiveté de la demande dès lors qu’il lui incombait, en exécution du jugement du 24 juillet 2020 ayant annulé l’OQTF, de procéder au réexamen de sa situation et de se prononcer sur son droit à un titre de séjour. La requête du préfet de la Haute-Garonne devant la cour administrative d’appel de Bordeaux est par conséquent rejetée, celui-ci n’étant pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse avait annulé l’arrêté du 1er septembre 2020 et lui avait enjoint de procéder à l’enregistrement de la demande du requérant.  

  Elen Avetisian

M2 DEDH

bottom of page