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La dissolution d’une association humanitaire finançant un groupe terroriste n’est pas contraire à la liberté d’association
(CEDH, 10 octobre 2023, Internationale Humanitäre Hilfsorganisation E.V c/ Germany)

Le présent arrêt a été rendu par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le 10 octobre 2023 et porte sur l’équilibre à ménager entre la protection de la liberté d’association issue de l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et la lutte contre le financement des activités terroristes. 

 

L’association Internationale Humanitäre Hilfsorganisation (association internationale d’aide humanitaire), établie en Allemagne, a pour objet, selon ses propres statuts, d’apporter une aide humanitaire partout dans le monde dans le cadre de catastrophes naturelles ou de guerres, principalement par un soutien financier aux associations locales. Jusqu’en 2010, elle envoyait des dons récoltés à six associations dans différentes régions du monde. Parmi elles, a figuré l'association Islamic society de Gaza, qu’elle a cependant fini par arrêter de financer au profit de Salam society for relief and development. Le 23 juin 2010, le ministère de l’intérieur fédéral d’Allemagne a prononcé la dissolution de l’association en raison des envois de dons à ces deux organisations palestiniennes.

 

L’association a alors contesté cette décision devant la Cour administrative fédérale d’Allemagne puis la Cour constitutionnelle en soutenant qu’elle violait le principe de liberté d’association en raison du caractère disproportionné de la mesure. Après une tentative de conciliation mise en échec par le ministère, elle a finalement été déboutée au motif qu’aucune mesure moins restrictive n’aurait été suffisante au regard de la gravité de la violation à la fois du droit international interdisant le financement du terrorisme et de la loi fondamentale allemande établissant le principe d’entente internationale. Il revenait donc à la Cour EDH en dernier recours, de déterminer si cette décision de dissolution était contraire à la liberté d’association protégée par l’article 11 de la Convention. La dissolution s’analysant inévitablement comme une ingérence dans la liberté d’association, la Cour examine si celle-ci était justifiée. Après avoir relevé que l’ingérence était prévue par la loi et qu’elle poursuivait un but légitime – à savoir la protection de l’ordre et des droits et libertés d’autrui à travers la protection de l’entente internationale –, la Cour examine la nécessité de la mesure. 

 

La Cour relève en premier lieu que l’article 11 doit se lire à la lumière de l’article 17 de la Convention qui interdit l’abus de droit. Les États jouissent ainsi d’une plus ample marge lorsque, comme en l’espèce, l’association dissoute mène des activités contraires aux valeurs de la Convention.

 

Elle observe ensuite que les deux associations financées faisaient partie intégrante du Hamas, ce dont la requérante avait parfaitement connaissance. Le changement d’association bénéficiaire entre Islamic society et Salam témoigne également, pour la Cour, de la volonté de camoufler ce financement indirect du Hamas. Or, la Cour note que le Hamas dans son intégralité a été expressément inclus depuis 2003 dans les listes de l’Union européenne qui recensent les «personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme ». Elle souligne en outre que le soutien financier aux deux associations de Gaza représentait 50 % du total des activités de financement de la requérante, montrant ainsi que l’intérêt principal de l’association requérante était le financement du Hamas. De surcroît, à aucun moment de la procédure devant les juridictions nationales ou devant la Cour, l’association requérante ne s’est dissociée des buts et procédés violents du Hamas.

 

Dans ces conditions, aucune mesure moins restrictive que la dissolution n’aurait pu être prise par le ministère de l’intérieur allemand à l’égard d’une association prenant part à des activités contraires aux valeurs de la Convention comme le financement du terrorisme. La Cour conclut donc à l’absence de violation de l’article 11.

 

Rachel DELAMARE

M1 DEDH

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