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L’acquisition de la prescription, prévue à l’article 65 alinéa 1er de la loi de 1881, en cours d’instance d’appel ne constitue pas une violation de l’article 6§1 de la Convention 

(CEDH 30 mars 2023, Diémert c/ France, req. n° 71244/17)

La décision de la Cour européenne des droits de l’Homme rendue le 30 mars 2023 concerne l’action en diffamation, devant le juge pénal interne, introduite par M. Diémert, magistrat de l’ordre administratif, contre un ancien membre de l’Assemblée de la Polynésie. Il se constitue partie civile. L’affaire a été renvoyée contradictoirement, lors de la première audience d’appel du 9 octobre 2014, au 12 février 2015. Or dans le cas de la diffamation, en vertu de l’article 65, alinéa 1er de la loi de 1881, le délai de prescription est de 3 mois. Ainsi, la prescription était acquise au 12 février 2015. 

De plus, selon la jurisprudence, en matière de diffamation, la partie civile doit surveiller la procédure et peut-elle même faire citer la personne poursuivie afin d’interrompre la prescription. Les juges internes reprochent au requérant de ne pas l’avoir fait en espèce. Ce dernier interjette appel et forme un pourvoi en cassation sans succès. 

Le requérant saisit la CEDH de la compatibilité de ces règles à l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme consacrant le droit d’être entendu par un tribunal. 

Les juges européens effectuent un contrôle de proportionnalité car le droit d’accès à un tribunal n’est pas absolu et les Etats membres ont une marge de manœuvre concernant les règles relatives à la prescription qui peuvent restreindre ce droit. Ils vérifient trois éléments : « si la restriction était prévisible (i), si le requérant ou l’État doit supporter la conséquence des erreurs procédurales (ii) et si la restriction témoigne d’un formalisme excessif (iii) ». Ils vont notamment préciser que l’existence d’une prescription permet de garantir la sécurité juridique et la liberté d’expression dans le cadre de la diffamation. 

La Cour considère que les torts sont partagés s’agissant de l’acquisition de la prescription. Dans un premier temps, les juridictions internes ont fixé la date de renvoi au-delà de l’échéance du délai de prescription et ne pouvaient l’ignorer alors qu’il leur est imposé de « fixer la date de renvoi en déterminant l'audience à laquelle l'affaire pourra utilement être examinée ». Ici, le caractère utile n’a pas été respecté ce qui montre un « dysfonctionnement du service public de la justice » selon le juge européen.

Dans un second temps, le juge européen rappelle que la partie civile n’a pas respecté son obligation de s’assurer de manière active que l’action menée ne se prescrive pas en cours de procédure. 

Ainsi, la Cour va lister les éléments à prendre en compte afin de déterminer si la charge supportée par le requérant est excessive et si c’est le juge interne qui devra supporter les conséquences de l’erreur de procédure : « i) si le requérant était assisté d'un avocat et s'il a agi avec la diligence requise, ii) si les erreurs commises auraient pu être évitées dès le début, iii) et si les erreurs sont principalement ou objectivement imputables au requérant ou aux autorités compétentes ».

Au vu de ces éléments la Cour estime que l’article 6§1 de la Convention n’a pas été violé dans cette affaire. Cette solution pose question en ce qu’elle donne à la partie civile un rôle très actif même en présence d’un dysfonctionnement du service public de la justice. 

Anouk COURSAC

M1 DEDH

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