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Violation du droit à un procès équitable par la France pour communication tardive des motifs d’une condamnation pénale

(CEDH, 9 septembre 2021, Garcia y Rodriguez c. France)
 

Dans un arrêt du 9 septembre 2021, la Cinquième Section de la Cour EDH condamne la France pour violation du droit à un procès équitable (article 6 de la Convention EDH) pour communication tardive des motifs d’une condamnation pénale.

En l’espèce, le requérant avait été condamné le 16 juillet 2012 pour recel de biens provenant d’un vol en récidive commis du 1er janvier 2006 au 18 janvier 2008 par le tribunal correctionnel d’Albertville mais relaxé du reste des faits qui lui étaient reprochés. Il interjeta appel le 18 juillet 2012, le délai pour le faire étant de dix jours. Le procureur de la République interjeta un appel incident le même jour.

L’avocat du requérant demanda à deux reprises au greffe, puis une troisième fois par lettre recommandée au Président de la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Chambéry, une copie du jugement. En effet, son client n’avait toujours pas connaissance des motifs de sa condamnation. Il obtint une copie du jugement le 11 octobre 2013, soit plus de quinze mois après le jugement.   

Le requérant souleva l’exception de nullité du jugement de première instance en raison de la notification tardive du jugement sur le fondement de l’article 6 de la Convention EDH et de l’arrêt CEDH, 24 juillet 2007, Baucher contre France. La cour d’appel de Chambéry rejeta l’exception de nullité et déclara le requérant coupable de tous les faits qui lui étaient reprochés. Celui-ci s’est pourvu en cassation. En outre, l’avocat général estimait que le requérant avait subi un préjudice puisqu’il avait été déclaré coupable de tous les chefs d’accusation dont ceux pour lesquels il avait été relaxé. Malgré les conclusions de l’avocat général qui allaient en son sens, la Cour rejeta le pourvoi. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le dépôt de la minute passé le délai de trois jours n'entraîne pas de nullité si le prévenu n’a subi aucun préjudice (Voir not. Cass. crim. 27 novembre 1984).

Le requérant a alors saisi la Cour européenne des droits de l’Homme. Selon lui, il disposait d’un mois pour se désister de son appel et ce désistement aurait entraîné la caducité de l’appel incident. Dès lors, faire appel pouvait aggraver son cas et ne pas se désister aussi. Cependant, n’ayant pas eu connaissance des motifs du jugement, il n’a pas pu évaluer la pertinence de maintenir son appel.

Le Gouvernement s’en est remis « à la sagesse de la Cour » (point 22) et n’a donc pas contesté les allégations du requérant.

Sur le fond, la Cour confirme sa jurisprudence Baucher selon laquelle, même si les juridictions possèdent une grande liberté de choix des méthodes permettant de respecter l’article 6 Convention EDH, il est nécessaire de faire connaître les motifs sur lesquels se fonde la juridiction pour prendre ses décisions. Elle ajoute que les motifs d’un jugement pénal doivent être communiqués en temps utile soit, sauf exception, avant l’expiration du délai pour faire appel ou se pourvoir en cassation La législation française, modifiée suite à l’arrêt Baucher, dispose que les motifs des jugements pénaux doivent être déposés au greffe au plus tard trois jours après celui-ci. Ainsi, le requérant n’a pas été en mesure d’organiser sa défense de manière appropriée et ce, même s’il n’a pas été privé de son droit d’appel. 

Elle déclare que « dans cette opération complexe de mise en balance, l’évaluation des chances de succès d’un appel joue un rôle essentiel. Or une telle évaluation ne peut se faire utilement sans la connaissance de l’intégralité des motifs de la décision ayant prononcé la condamnation » (point 31)

Il y a donc bien eu violation du droit au procès équitable protégé par l’article 6 de la Convention.

 

Par Charlotte VINCENT (Master 2)

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