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La condamnation d’un élu pour ne pas avoir promptement supprimé des commentaires haineux de tiers sur son mur Facebook

(CEDH, GC, 15 mai 2023, AFFAIRE SANCHEZ c. France 45581/15)

 

Le requérant, élu local et candidat aux élections législatives, est condamné pour provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe de personnes ou d’une personne à raison d’une religion déterminée. En effet, il lui est reproché de ne pas avoir promptement supprimé la publication par des tiers de commentaires jugés haineux sur le mur de son compte Facebook. Ce dernier affirme que son droit à la liberté d’expression protégé par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme est violé par cette condamnation dès lors que les auteurs des messages haineux ont été identifiés et sanctionnés. Le 2 septembre 2021, la Cour européenne des droits de l’homme a une première fois conclu à la non-violation de l’article 10. Le 15 mai 2023 en sa formation de grande chambre la Cour a conclu à la non violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. 

Une des questions que soulève cette affaire est celle de la responsabilité de chacun sur les réseaux sociaux. En effet, le requérant est condamné en sa qualité de « producteur » ou titulaire du compte Facebook pour manque de vigilance et de réaction face à des commentaires postés par des tiers. Les juridictions pénales françaises se sont fondées sur la loi du 29 juillet 1982 instituant le régime de « responsabilité en cascade ». 

La Cour précise que les dispositions de la loi interne précitée sont suffisamment claires pour que le requérant puisse régler sa conduite dans les circonstances de l’espèce. Elle continue en affirmant que les commentaires postés sur le mur Facebook du requérant, mis dans le contexte électoral dans lequel ils s'inscrivent, relèvent d’un discours de haine et sont illicites. Elle précise que dans un tel contexte, les discours racistes et xénophobes ont un impact plus grand et plus dommageable. De plus, il s’agissait de commentaires définissant « parfaitement » un groupe de personnes déterminées, en l’espèce les personnes de confession musulmane, en l’associant à des termes blessants et injurieux. Selon la Cour, il y a volonté d’assimiler ce groupe défini à la délinquance. 

Elle confirme une ingérence à la liberté d’expression du requérant. Cependant elle ajoute que cette ingérence est justifiée dans la mesure où elle est prévue par la loi, poursuit un but légitime qui est de protéger la réputation ou les droits d’autrui et d’assurer l’ordre et la prévention du crime, et est justifiée comme « nécessaire dans une société démocratique ». 

Selon la Cour, le requérant ne pouvait ignorer les conséquences découlant de la décision de laisser son compte Facebook en public ce qui permet à des tiers de commenter son mur, encore plus en sa qualité d’homme politique et dans le contexte des élections. La Cour se fonde sur l’article 10§2 de la Convention traitant des « devoirs et responsabilité » incombant aux personnalités politiques utilisant les réseaux sociaux à des fins politiques. Ainsi, la mise en place d’une responsabilité en raison d’actes commis par des tiers est variable en fonction des modalités du contrôle ou du filtrage effectué par les internautes qualifiés de « producteurs », simples utilisateurs de réseaux sociaux ou de comptes ne poursuivant aucune finalité commerciale. Ces « producteurs » ont nécessairement des obligations. De plus, la responsabilité devra être partagée entre tous les acteurs impliqués de manière à être graduée en fonction de la situation objective de chacun.

Cette décision montre que la Cour tend vers l’obligation d’un comportement exemplaire de la part des personnalités politiques sur les réseaux sociaux. 

Anouk Coursac

M1 DEDH

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