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La caractérisation de l’infraction de traite d’êtres humains à travers la nécessité de preuve de mise à disposition de la personne

 

(Cour de cassation, 11 mai 2023, Pourvoi n° 22-85.425)

 

Le 11 mai 2023, la Cour de cassation a rendu une décision de rejet relative à la caractérisation ou non de l’infraction de traite d’êtres humains. Cette décision traite de la notion de mise à disposition de la personne. En l’espèce, un couple marié a transporté au moins cinq filles mineures depuis les pays de l’Est vers l’Europe munies de faux papiers dans l’objectif de les marier à des jeunes hommes faisant partie de la communauté Rom, contre rémunération. Le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable et l'a condamné à sept ans de prison. Le défendeur et le ministère public ont interjeté appel. En appel, le prévenu a été relaxé, un pourvoi en cassation ayant ensuite été formé par le ministère public. Le premier moyen formule une critique de l’arrêt d’appel eu égard au fait que le prévenu a été relaxé du chef de traite d’êtres humains en retenant l’absence de fait d’agression ou d’atteinte sexuelle. Le ministère public soutient que la traite d’êtres humains, pour être caractérisée, n’implique pas d’être suivie d’un autre comportement incriminé par l’article 225-4-1 du code pénal : c’est une infraction formelle. Le second moyen critique également la relaxe du prévenu du chef de traite d’êtres humains fondée sur le consentement des victimes, en ce sens que le consentement ne pourrait écarter l’infraction. 

 

La décision d’appel soutient que l’infraction de traite d’êtres humains suppose que l’auteur des faits poursuive un but particulier tel que la commission contre la victime des infractions de proxénétisme, d'agressions ou d'atteintes sexuelles, d'exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d'hébergement contraires à sa dignité, ou la volonté de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit. Or, rien ne permet de considérer que le prévenu a rempli une de ces conditions. Il a simplement reconnu avoir arrangé des mariages traditionnels Rom et conteste la notion de mise à disposition des jeunes filles. La Cour de cassation énonce que le ministère public ne démontre pas que ces mariages dissimulent le mode d'exploitation sexuelle de ces jeunes filles par la commission d'atteintes ou d'agressions sexuelles. L’infraction de traite d’êtres humains a pour objectif d’éradiquer le commerce d’êtres humains pour combattre l’esclavagisme qui est contraire à la dignité humaine. Malgré le caractère choquant d’un mariage arrangé, cela ne caractérise par une infraction de traite d’êtres humains qui est une infraction d’interprétation stricte. 

 

En définitive, la Cour de cassation soutient que la cour d’appel a jugé à bon droit, dans la mesure où l’infraction précitée n’est caractérisée que si la victime est « mise à disposition » afin d'être contrainte à commettre tout crime ou délit, ou de permettre la commission envers elle de l'une des infractions prévues par l’article 225-4-1 du code pénal. En l’espèce, les seules infractions de l’article précités ayant pu être favorisées par l’intervention du prévenu sont les chefs d'agressions sexuelles ou d'atteintes sexuelles. Cependant, les âges des victimes et de leurs fiancés ne permettent pas de caractériser la notion d’atteinte sexuelle. De plus, aucune contrainte, violence, menace ou surprise n'a été exercée contre les jeunes filles, ces dernières n’ayant pas par la suite été soumises à des faits de nature sexuelle. Par conséquent, le prévenu n’a pas non plus facilité le risque d’agression sexuelle. La Cour de cassation écarte donc les moyens et rejette le pourvoi. 

 

Tessa Hamani 

M1 DEDH 

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