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La systématicité de fouilles intégrales corporelles constitue une violation continue à l’encontre de laquelle la procédure de référé-liberté institue une voie de recours effective
(CEDH, 6 juillet 2023, B.M. et autres c/ France)

Le présent arrêt a été rendu par la Cour européenne des droits de l’Homme le 6 juillet 2023. L’affaire B.M. et autres contre France traite des conditions de détention à la maison d’arrêt de Fresne, de la pratique des fouilles intégrales systématiques à l’issue des parloirs, ainsi que de l’existence d’un recours préventif effectif pour y remédier. 

Dans le cas d’espèce, cinq ressortissants français et un ressortissant surinamais ont saisi la Cour européenne des droits de l’Homme. Les requérants ont été détenus à la maison d’arrêt de Fresne entre 2016 et 2019. Ils allèguent de la violation des articles 3 et 13 de la Convention du fait des conditions de détention à la maison de Fresne – ayant déjà été décrites au sein de la décision J.M.B. et autres contre France  – et des fouilles intégrales systématiques subies, qui, pour certaines, étaient effectuées devant les autres détenus, et pour lesquelles ils devaient se pencher et se mettre dans des positions particulièrement dégradantes. 

Eu égard à la saisine de la Cour, les requêtes ont été introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme le 12 décembre 2017, 5 janvier 2018, 2 février 2018, 17 mars 2018, 7 juin 2018, et 13 juin 2018. Compte tenu de la similarité des requêtes, ces dernières sont examinées conjointement. 

Le gouvernement français soutient que les requérants n’ont pas épuisé les voies de recours internes malgré plusieurs recours disponibles dont ils n’ont pas fait usage tels que le référé-liberté ou le référé-suspension qui auraient permis une cessation rapide de la violation. Le gouvernement soutient également que le recours pour excès de pouvoir était également possible pour que le juge vérifie la proportionnalité des mesures de fouilles. Troisièmement, le gouvernement soutient que les requérants auraient pu opérer un recours de plein contentieux pour faire établir la responsabilité de l'État. Eu égard à une satisfaction équitable, le gouvernement soutient également que les requérants auraient pu engager un référé-réexamen. Les requérants soutiennent avoir été victimes de toutes les atteintes précitées excédant le seuil de condition normale de détention de par la surpopulation carcérale bien connue par la Cour et les fouilles intégrales systématiques. Ils soutiennent également eu égard aux recours précités que le recours de plein contentieux et le recours pour excès de pouvoir ne sont pas des voies de droit préventives effectives permettant d’empêcher la continuation ou la survenance de fouilles de ce type dans la mesure où les délais de ces recours peuvent prendre plusieurs années. Eu égard aux référés, les requérants soutiennent que ces derniers sont effectifs en pratique mais loin de l’être en réalité ce qui selon les requérants a été largement prouvé par les pratiques générales de refus et résistances à se soumettre aux injonctions et contrôle de la maison d’arrêt de Fresne. En définitive, selon eux compte tenu du manque d’effectivité des recours et procédure de référé, il n'est pas possible de considérer qu’ils n’ont pas épuisé les voies de recours internes pour faire cesser la pratique de ces fouilles. 

La Cour devait donc se prononcer sur la violation des articles 3 et 13 de la Convention après cependant avoir vérifié la recevabilité des requêtes, notamment la satisfaction de la règle de l’épuisement des voies de recours internes. 

La Cour rejette comme irrecevable la partie des requêtes relatives aux fouilles systématique du fait du non épuisement des voies de recours internes par les requérants. Elle conclut en revanche sans surprise à la violation de l’article 3 pris isolément et en combinaison avec l’article 13 s’agissant des conditions matérielles de détention.


L’apport de l’arrêt réside ainsi moins dans le constat de violation des articles 3 et 13 concernant les conditions de détention – constat qui ne faisait aucun doute au regard de la parfaite similarité des faits avec ceux de l’arrêt J.M.B – que dans la reconnaissance du caractère effectif du référé-liberté s’agissant des fouilles systématiques.

L’effectivité du référé liberté est appréciée par la Cour dans la cadre de son examen de la recevabilité de la requête, les requérants n’ayant exercé aucun recours devant les juridictions françaises. Elle se doit donc de vérifier si les recours ouverts devant le juge administratif étaient bien adéquats, effectifs et de nature à obtenir qu’il soit mis fin aux pratiques dénoncées. La Cour s’intéresse précisément à la procédure prévue à l’article L. 521-2 du code de la justice administrative, qui permet au juge, dans un cas d’urgence caractérisée, de remédier aux atteintes graves et manifestement illégales à une liberté fondamentale, tout cela dans un délai de 48h. Se référant à la jurisprudence du Conseil d’Etat, la Cour constate en l’espèce que cette procédure a déjà permis, plusieurs fois, de remédier à la violation de l’article 3 de la Convention dans le cas de fouilles intégrales, le juge administratif se reconnaissant compétent pour contrôler la nécessité et la proportionnalité de l’application à une personne détenue d’un régime de fouilles.


Ainsi, la Cour juge dans cette affaire que le référé-liberté constitue une voie de recours effective et disponible ce qui la conduit logiquement a déclaré irrecevable les requêtes sur ce point. Au vu de ce constat, il faut donc inviter les conseils des détenus victimes de fouilles systématiques à se tourner vers le juge du référé-liberté et espérer que celui-ci saura faire bon usage de son pouvoir d’injonction, a fortiori face à une administration pénitentiaire parfois peu encline à bannir la pratique des fouilles systématiques pourtant clairement contraire à l’article 3 de la Convention.


Anouk Coursac et Tessa Hamani
M2 DEDH

 

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