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La Cour de justice de l’Union européenne précise les conditions dans lesquelles un ressortissant d’un État tiers peut se voir révoquer son statut de réfugié en cas de condamnation pour crime
(CJUE, 6 juillet 2023, Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl contre AA, C-663/21)

L’arrêt Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl contre AA a été rendu le 6 juillet 2023 par la Cour de justice de l’Union européenne en même temps que deux autres renvois préjudiciels en interprétation de l’article 14§4 b) de la Directive 2011/95/UE relative à une révocation du statut de réfugié lorsque ce dernier a été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave et qu’il constitue une menace pour la société. Dans cet arrêt, la Cour tranche également sur la nécessité de prendre en considération les conséquences d’un éventuel retour de ce ressortissant d’un pays tiers vers son pays d’origine lors de la mise en balance des intérêts du réfugié et ceux de l’Etat membre. 

En l’espèce, M. AA s’est vu octroyé le statut de réfugié en décembre 2015. Entre mars 2018 et octobre 2020, il est condamné à plusieurs reprises. En septembre 2019, l’autorité autrichienne décide de retirer le statut de réfugié de AA et assortie cette décision d’une interdiction de séjour et fixe un délai de départ volontaire tout en soulignant que son éloignement n’est pas autorisé. En mai 2021, suite à un recours formé par AA, le tribunal administratif fédéral d’Autriche a établi que AA avait été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave et qu’il est donc une menace pour la société. Le tribunal souligne tout de même qu’il est nécessaire de mettre en balance les intérêts de l’Etat membre d’accueil avec ceux du requérant, en tenant compte des mesures auxquelles il pourrait être exposé en cas de retour dans son pays d’origine. 


La Cour, dans un premier temps, rappelle le raisonnement qu’elle a établie dans les affaires C-8/22 et C-402/22 du 6 juillet 2023 qui concernaient également des litiges opposant des ressortissants d’État tiers à une autorité nationale. Ainsi, elle rappelle que pour mettre en œuvre l’article 14 §4 b) de la Directive 2011/95/UE, il est nécessaire de réunir deux conditions puisque la révocation du statut de réfugié reste une dérogation à la règle de l’octroi. 


D’une part, il faut que le ressortissant de l’État tiers concerné ait été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave. Dans cette affaire, il s’agit pour la Cour de constater si l’une des infractions commises par AA peut être qualifiée de « crime particulièrement grave ». Elle a pu préciser dans les trois décisions de demandes préjudicielles que le degré de gravité ne peut pas être atteint par un cumul d’infractions. 


D’autre part, ce ressortissant doit également constituer une menace pour la société de l'État membre dans lequel il se trouve. La Cour précise alors qu’un ressortissant d’un pays tiers ne peut constituer une menace pour la société d’un État membre d’accueil uniquement s’il est établi que ce ressortissant peut constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société de l'État membre dans lequel il se situe. L’autorité nationale devrait procéder à une évaluation de toutes les circonstances propres au cas de la personne en cause. 
   

Pour se faire, l’autorité compétente doit mettre en balance la menace que constitue le ressortissant concerné d’un pays tiers pour un intérêt fondamental de la société de l’EM dans lequel il se trouve, et d’autre part, ces droits fondamentaux qui doivent être garantis. La Cour considère dès lors que qu’un État membre peut révoquer le statut d’un réfugié sans être toutefois autorisé à exercer cette possibilité. La Cour tranche, dans cet arrêt, sur le respect du principe de proportionnalité. Ainsi, lorsque la révocation du statut de réfugié est mise en œuvre par un État membre, ce dernier n’est pas tenu de prendre en compte dans sa mise en balance les mesures auxquelles un ressortissant d’un pays tiers peut être exposé en cas de retour dans son pays d’origine.  
   

Quant à l’interprétation de l’article 5 de la Directive 2008/115/UE, la Cour rappelle qu’il n’est pas possible qu’un ressortissant d’un État tiers fasse l’objet d’une décision de retour dans son pays d’origine s’il existe des motifs sérieux et avérés que ce dernier serait exposé à des traitements contrairement à la Charte des droits fondamentaux de l’UE. 

Louise LE BERRE
M2 DEDH

 

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