top of page

La réaffirmation de l’incrimination et de la répression du viol sur la personne d’un mineur de quinze ans
(Conseil constitutionnel QPC, 21 juillet 2023, n° 2023-1058)

Le 21 juillet 2023, le Conseil constitutionnel a rendu un arrêt à la suite de sa saisine par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité des articles 222-23-1 et article 222-23-3 du code pénal visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste. L’article 222-23-1 du code pénal précité dispose que « constitue également un viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans ou commis sur l’auteur par le mineur, lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans ». L’article 222-23-3 quant à lui énonce que la peine pour ce crime est de vingt ans de réclusion criminelle. 

 

En l’espèce, le requérant soutient que les articles litigieux instituent une présomption irréfragable de culpabilité contraire au principe de la présomption d’innocence et aux droits de la défense car cette infraction ne nécessite pas que l’acte soit commis « avec violence, contrainte, menace ou surprise ». II soutient également que cette peine indifférente aux autres facteurs de la caractérisation du viol constitue une violation des principes de nécessité et de proportionnalité des peines. Pour le requérant, la déclaration de culpabilité dès le constat de la matérialité des faits sans que l’autorité de poursuite apporte la preuve de l’intention du majeur d’imposer l’acte à un mineur et le fait que le viol sur mineur constitue une circonstance aggravante déjà établie conduirait à une méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines. Le dernier argument du requérant réside dans le fait que ces articles placent dans des situations différentes des personnes qui sont, selon lui, dans une situation comparable. Cela méconnaîtrait le principe de nécessité des délits et des peines ainsi que le principe d’égalité devant la loi. 

 

Le Conseil rappelle le principe cardinal de présomption d’innocence issu de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Celui-ci implique que le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité au sein de la matière répressive. Le Conseil rappelle également les dispositions de l’article 222-23 qui concernent l’infraction de viol, ainsi que la circonstance aggravante lorsque le viol est commis sur un mineur de quinze ans institué à l’article 222-24. Les dispositions faisant l’objet de la QPC instituent une nouvelle infraction spécifique dont la minorité de la victime est un élément constitutif. L’article litigieux interdit tout acte de pénétration sexuelle ou bucco-génital entre un majeur et un mineur de quinze ans, lorsque la différence d’âge entre eux est d’au moins cinq ans. Le Conseil énonce également que cette incrimination qui ne nécessite pas que l’acte soit commis avec violence, contrainte, menace ou surprise ne repose pas sur une présomption d’absence de consentement et que les autorités de poursuite ont la charge de rapporter la preuve des éléments constitutifs. Le Conseil rejette donc l’argument de méconnaissance du principe de la présomption d’innocence ainsi que celui de la méconnaissance des droits de la défense. 

 

De plus conformément à l’article 34 de la Constitution et au principe de légalité des délits et des peines, résultant de l’article 8 de la Déclaration de 1789, le législateur a l’obligation de fixer le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes en termes clairs pour éviter l’arbitraire. Conformément à l’article 121-3 du code pénal il n’y a pas de crime sans intention de le commettre, la seule matérialité des faits ne suffit pas à caractériser l’infraction. De plus cette minorité bien qu’un des éléments constitutifs de l’infraction n’est pas une circonstance aggravante. Le Conseil écarte donc la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines. 

 

Eu égard au principe d’égalité devant la loi établit par l’article 6 de la Déclaration de 1789, il ne fait pas obstacle à ce qu’une différenciation soit opérée par le législateur en cas d’agissements de nature différente. Ces faits étant punis en l’absence de violence, contrainte, menace ou surprise et impliquant qu’il existe entre l’auteur majeur et la victime mineure une différence de cinq ans, par conséquent ils punissent des agissements différents. Il n’y a donc pas de méconnaissance du principe d’égalité devant la loi pénale. 

 

En dernier lieu, l’article 8 de la Déclaration de 1789 dispose que « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». L’article 61-1 de la Constitution quant à lui confère seulement au Conseil constitutionnel le pouvoir de se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit. Le Conseil a pour rôle de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue. Par les dispositions litigieuses, le législateur a renforcé la protection des mineurs victimes d’infraction sexuelle et plus particulièrement des victimes mineures. Cela ne représentant pas l’institution d’une peine manifestement disproportionnée. La méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines doit donc être écartée. 

 

En définitive, le Conseil constitutionnel déclare que les dispositions litigieuses ne méconnaissent aucun des droits et libertés garantis par la Constitution et sont donc conformes à cette dernière. Par cette décision, le Conseil valide la constitutionnalité du crime précis de viol sur la personne d’un mineur de quinze ans lorsque l’écart d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans. Il valide également la peine de vingt ans de réclusion criminelle qui est la conséquence de la commission de ce crime. D’un point de vue de la pratique, il convient également de souligner que Véronique Malbec nommée membre du Conseil en 2022 « a estimé devoir s’abstenir de siéger ». Ce dépôt ayant été précisé au sein de la décision et non dans le commentaire de cette dernière. Par conséquent les demandes de récusation seront à l’avenir rendues publiques au moment de leur adoption. Il s’agit là d’une évolution considérable dans la pratique du Conseil constitutionnel. 
 

Tessa Hamani

M2 DEDH

bottom of page