top of page

Suspension d’un arrêté interdisant les “tenues manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse
(Conseil d’État, 17 juillet 2023, n°475636)

Le maire de Mandelieu-la-Napoule a pris un arrêté le 7 juin 2023 interdisant l’accès  aux plages de la commune à toute personne portant une tenue manifestant de façon ostensible une appartenance religieuse entre le 15 juin 2023 et le 31 août 2023. La Ligue des droits de l’Homme a saisi le Tribunal administratif de Nice d’un recours en référé-liberté. Le juge des référés a estimé que la demande de la Ligue des droits de l’Homme était mal fondée et a rejeté le recours. L’association a donc effectué un pourvoi en cassation. 


Le Conseil d’État, dans son arrêt rendu le 17 juillet 2023,  a constaté que le juge des référés avait méconnu son office en n’effectuant pas d’instruction contradictoire et notamment en ne demandant pas à la commune la nature et l’ampleur des troubles à l’ordre public qui justifiaient cette interdiction au regard des circonstances propres à la commune. Le juge de cassation a également constaté que le Tribunal administratif n’avait pas vérifié que la mesure de police administrative était adaptée, nécessaire et proportionnée aux circonstances de lieu et de temps et justifiée par des risques avérés d’atteinte à l’ordre public, comme doivent l’être toutes les mesures de police administrative. Le Conseil d’État décide de juger l’affaire et estime que, même si la Ligue des droits de l’Homme a un champ d’application national et que l’arrêté n’a qu’un champ d’application territorial, comme il concerne les libertés publiques et que sa nature et son objet dépassent les circonstances locales, l’association est fondée à agir. Cette décision entrave  la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience, la liberté personnelle et soulève des questions qui peuvent se poser à toutes les communes disposant d‘une plage publique. Ainsi, cette décision excède le territoire de la commune en question. Il ajoute que la ligue des droits de l’Homme a pour mission de combattre toutes les formes de discriminations, ce qui la fonde à agir en l’espèce. 


Le but annoncé de l’arrêté était de prévenir un risque d’atteinte à l’ordre public et d’assurer le respect des règles d’hygiène en période d’affluence estivale. Pour justifier ce risque, la commune fait état d’une altercation ayant eu lieu en 2012 et évoque le contexte particulier de menace terroriste à la suite des attentats commis à Nice en 2016 et 2020 et le contexte de tension à l’échelle nationale. Le Conseil d’État estime qu’aucun de ces arguments ne justifie une telle interdiction. La mesure n’est pas justifiée par des risques de troubles à l’ordre public et la commune n’apporte aucun élément relatif à un risque pour l'hygiène ou la sécurité qui serait lié, par nature, au port des tenues interdites. Finalement, le Conseil d’État constate que la situation est urgente et que l’utilisation du référé-liberté est appropriée et suspend l’arrêté au vu de l’atteinte manifestement illégale aux libertés qu’il engendre. 

Camille Fournier
M2 DEDH

bottom of page