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La censure du Conseil constitutionnel d’une disposition prévoyant l’activation à distance d’appareils électroniques afin de capter des sons et des images à l’insu de leur propriétaire
(Conseil constitutionnel, QPC, 16 novembre 2023, n° 2023-855)

Conformément au second alinéa de l’article 61 de la Constitution, 60 députés ont déféré le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 devant le Conseil constitutionnel, afin qu’il se prononce sur la conformité de ce projet à la Constitution. 

Un mois après sa saisine, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision. Les sages ont ainsi fait état d’une conformité partielle à la Constitution ainsi que de certaines réserves de conformité. Plusieurs articles ont ainsi été déclarés contraires à la Constitution notamment les 46° et 47° du paragraphe I de l’article 6 du projet de loi sur l’activation à distance des appareils électroniques à des fins d’enregistrement.

En effet, les 33° et 46° du paragraphe I de l’article 6 du projet de loi prévoyaient la création de plusieurs articles au sein du Code de procédure pénale permettant, dans certains cas, l’activation à distance d’appareils électroniques à des fins de géolocalisation, ainsi que d’enregistrement. 

Selon les députés à l’origine de la saisine, ces dispositions porteraient une atteinte au droit au respect de la vie privée, à la liberté individuelle, et à la liberté d’aller et de venir. Mais également aux droits de la défense, dès lors qu’elles permettraient d’écouter les échanges entre la personne soupçonnée et son avocat. Enfin, ils reprochent à ces dispositions de méconnaître l’exigence de précision de la loi pénale, faute de préciser la nature des faits pouvant justifier le recours à un tel dispositif.

Tout d'abord, en ce qui concerne l'activation à distance d'appareils électroniques aux seules fins de géolocalisation, les sages déterminent cette disposition conforme à la Constitution. Ils ont démontré que l'atteinte au droit au respect de la vie privée est justifiée par de nombreuses conditions, notamment la nécessité d'être dans le cadre d'une enquête ou d'une instruction relative à un crime ou à un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement. De plus, cela ne peut être autorisé que par le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, ou par le juge d'instruction, et aux seules fins de procéder à la localisation en temps réel. Également, cela ne peut pas être utilisé sur les appareils électroniques de membres du Parlement, magistrats, avocats, journalistes, commissaires de justice ou médecins. Enfin, le juge compétent ordonne la destruction dans les meilleurs délais des données qui ne peuvent être transcrites. 

Dès lors, d’après le Conseil constitutionnel, le droit au respect de la vie privée n’est pas méconnu dans le cas d’activation à distance d’appareils électroniques aux seules fins de géolocalisation. 

En revanche, pour ce qui est de l’activation à distance d’appareils électroniques afin de capter des sons et des images, malgré les nombreuses conditions, le Conseil constitutionnel juge que cette disposition est contraire à la Constitution. 

Les sages prennent en compte l’atteinte résultant de l’accès physique nécessaire par les enquêteurs à des lieux privés, y compris des lieux d’habitations, mais aussi l’enregistrement « de paroles et d’images concernant aussi bien les personnes visées par les investigations que des tiers ». Enfin, les sages ajoutent à cela le champ d’application trop large de cette mesure, qui s’étend « non seulement [aux] les infractions les plus graves mais [à] l’ensemble des infractions relevant de la délinquance ou de la criminalité organisées ». Pour les sages, ces différents éléments établissent une ingérence non proportionnée au but poursuivi et constituent donc une atteinte au droit au respect de la vie privée.

Joseph VNUK

M1 DEDH

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