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La protection de la dignité humaine ne justifie pas une atteinte à la liberté artistique 
(Cour de cassation, 17 novembre 2023, n° 21-20.723)

Le présent arrêt a été rendu par l’assemblée plénière de la Cour de cassation le 17 novembre 2023 et traite de la relation entre atteinte à la dignité humaine et liberté artistique, clôturant ainsi une longue histoire jurisprudentielle. 

 

En l’espèce, l’exposition « You are my mirror 1 ; L'infamille » organisée par l'association Fonds régional d'art contemporain de Lorraine (ci-après le FRAC), présentait les écrits d’un artiste particulièrement choquants notamment à l’égard des violences faites aux enfants. 

 

L'Association générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne (ci-après l'AGRIF) a formé un pourvoi contre l’arrêt rendu sur renvoi avec cassation. L'association soutient que cette exposition, accessible à tous, constitue une violation de l'article 227-24 du code pénal, portant atteinte à la dignité humaine. L’AGRIF considère qu’en ne faisant pas primer la dignité humaine sur la liberté d’expression et plus précisément la liberté artistique, la Cour d’appel a violé l’article 10§2 de la Convention européenne des droits de l’Homme (ci-après Conv. EDH) 

 

La Cour avait à répondre à la question de savoir si une allégation d’atteinte à la dignité humaine constitue un motif suffisant pour limiter l’application de la liberté artistique. 

 

La Cour de cassation répond par la négative. Elle fait une application directe de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme avec l’arrêt du 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, n° 5493/72, qui énonce que la liberté d’expression est un des fondements d’une société démocratique ou encore une décision du 11 mars 2014, Jelsevar c. Slovénie n° 47318/07, qui fait rentrer la liberté artistique dans son giron, une liberté hautement protégée. Eu égard au respect de la dignité humaine, la Cour précise que malgré l’importance cardinale de ce principe, il ne figure pas dans les motifs de limitation tiré de l’article 10§2 de la Convention EDH. La Cour de cassation rappelle que les critères européens de l’ingérence s’appliquent en l’espèce et que la dignité humaine ne saurait être érigée en fondement autonome de restriction de la liberté d’expression.

 

En définitive, la Cour de cassation fait primer la liberté artistique comme l’aurait fait la Cour européenne des droits de l’homme, et valide donc le raisonnement de la Cour d’appel et clôture cette saga jurisprudentielle. 

 

Tessa HAMANI

M2 DEDH

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