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La violation de la CEDH par les autorités françaises dans le cadre du renversement de la présomption de minorité.

CEDH, 16 janvier 2025, A.C. c. France, n°15457/20

Le 16 janvier 2025, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour avoir violé la Convention européenne des droits de l’Homme (ci-après Convention) concernant l’accueil des mineurs non accompagnés et notamment les conditions dans lesquelles la présomption de minorité a été renversée.

 

Le requérant est un ressortissant guinéen qui dit être né le 26 avril 2004 à Limoges. Après avoir quitté la Guinée, il s’est présenté en France comme mineur non accompagné et a été pris en charge le 23 janvier 2020.  Un examen médico-légal révèle alors sans certitude que son âge est supérieur à 18 ans, s’en suit alors plusieurs décisions de non-lieu d’assistance éducative et de fin d’accueil provisoire d’urgence les 6 et 9 mars 2020. Les recours postérieurs n’ayant pas abouti, ce n’est que le 21 janvier 2021 que la Cour d’appel de Limoges infirme le jugement de non-lieu à assistance éducative en constatant la minorité du requérant et ordonne la prise en charge du requérant. Cependant, le recours en annulation de la décision du 9 mars 2020 a été rejeté par le Conseil d’État le 9 décembre 2021.

Le requérant a alors saisi la Cour européenne des droits de l’Homme en invoquant les articles 3, 13 et 8 de la Convention. Le requérant affirme d’une part que les traitements qu’il a subis à la suite des décisions des autorités ont violé l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, protégée par l’article 3 de la Convention, mais également que son droit au respect de la vie privée et son droit à un recours effectif ont été violés.

 

Tout d’abord, la Cour écarte la violation de l’article 3 et considère que le seuil de gravité inhérent à cet article n’a pas été atteint. Ce seuil de gravité nécessite de reposer sur des éléments factuels suffisamment solides, ce qui n’est pas le cas en l’espèce pour la Cour, bien que les difficultés rencontrées par le requérant soient bien reconnues. 

Pour ce qui est de la violation de l’article 8 de la Convention protégeant le droit à la vie privée, le raisonnement de la Cour est plus critique à l’égard des autorités nationales. Bien que le bon respect de la présomption de minorité et de l’accueil provisoire d’urgence durant tout le processus de détermination de l’âge du requérant soit relevé par la Cour, des lacunes font surface au moment des résultats des examens administratifs.

Il s’agit tout d’abord du manque de communication avec le requérant dans la transmission des conclusions de l’évaluation administrative ou même la simple possibilité d’en obtenir la copie. Et la même erreur est notée pour ce qui est des conclusions de l’examen physiologique. La Cour ajoute également que ces conclusions ne faisaient pas mention de la marge d’erreur actuelle existante quant à ces résultats.

Mais il ne s’agit pas seulement de manque de communication, c’est un manque total de motivation qui est pointé du doigt par la Cour au sein de la décision de non-lieu à assistance éducative du 6 mars 2020, et ce même problème est prolongé dans la décision du 9 mars 2020 qui ne fait que citer l’évaluation de l’âge et la décision du 6 mars 2020. Pour la Cour, cette décision nécessitait une motivation personnalisée susceptible d’éclairer le requérant sur les raisons ayant conduit à ce que sa minorité soit écartée (180§). Cette même décision comportait également des informations incomplètes et imprécises sur les voies et délais de recours.

Le cumul de ces lacunes constitue pour la Cour une violation de l’article 8 de la Convention en ce que les autorités n’ont pas agi avec la diligence raisonnable et ont manqué à leur obligation positive de garantir le droit au respect de la vie privée du requérant.

Enfin, la Cour écarte la violation de l’article 13 de la Convention, étant donné que le requérant avait à disposition des recours susceptibles de redresser la violation alléguée, donc le droit à un recours effectif a bien été respecté.

Joseph VNUK

M2 DEDH

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