

Le consentement sexuel: une notion méconnue par la France en matière de mariage, qui se voit condamnée sur le fondement de l’article 8 CEDH
Cour EDH, 23 janvier 2025, H.W c. France, req. N°13805/21
Le présent arrêt se place dans un contexte bien particulier : celui du mariage et des obligations qui en découlent en France, dont ce qu’il est convenu d’appeler le « devoir conjugal ». En effet, le 9 juillet 2025, la requérante assigna son époux en divorce pour faute. Néanmoins, ce dernier effectua une demande reconventionnelle afin d’obtenir le prononcé du divorce aux torts exclusifs de son épouse.
A titre liminaire, il convient de rappeler que même si le viol conjugal a fini par être pénalisé et constitue une circonstance aggravante en droit pénal français , la notion de « devoir conjugal » quant à elle persistait en droit français. En effet, une jurisprudence constante de la Cour de cassation permettait aux juridictions judiciaires de prononcer le divorce pour « pour faute » en cas d’absence de relations sexuelles entre les époux.
La cour d’appel de Versailles, par un arrêt du 7 novembre 2019 prononça le divorce aux torts exclusifs de Madame, en se fondant sur le fait que la requérante a reconnu elle-même, dans une main courante, avoir cessé toute relation intime avec son mari depuis 2004, ce qui constitue une faute grave et renouvelée des devoirs et obligations qui découlent du mariage, rendant impossible la communauté de vie. Son pourvoi en cassation est rejeté le 17 septembre 2020 au motif que l’arrêt de la cour d’appel s’inscrit dans une jurisprudence ancienne mais constante de la Cour de cassation. Estimant que le prononcé du divorce à ses torts exclusifs sur le fondement qu’elle avait refusé d’avoir des relations sexuelles avec son époux méconnaît son droit au respect de sa vie privée, la requérante a saisi la Cour en alléguant de la violation de l’article 8 de la Convention.
Après avoir constaté la recevabilité de la requête, la Cour EDH rappelle dans un premier temps que la liberté sexuelle et le droit de disposer de son corps sont deux pans de l’article 8 CEDH, et que les conclusions de la cour d’appel de Versailles, particulièrement stigmatisantes, s’analysent donc en une ingérence dans le droit au respect de la vie privée.
Examinant la justification de l’ingérence, elle considère tout d’abord que celle était bien prévue par la loi et qu’elle poursuivait bien un but légitime, à savoir la protection des droits et libertés d’autrui. Sur la nécessité, la Cour rappelle que la marge d’appréciation des Etats est faible dans le domaine de la sexualité. Elle relève ensuite que le devoir conjugal tel qu’il est prévu en droit français ne prend pas en considération le consentement. Pour la Cour, l’existence même de cette obligation matrimoniale méconnaît non seulement la liberté sexuelle et au droit de disposer de son corps mais aussi l’obligation positive de prévention qui pèse sur les États contractants concernant la lutte contre les violences sexuelles. En définitive, la Cour EDH considère que le devoir conjugal ne garantit pas le libre consentement sexuel et conclut à la violation de l’article 8 de la CEDH.
Camille MAGALHÃES LOPES
M2 DEDH