

Contrôle de proportionnalité et garanties procédurales dans le placement d’un mineur : articulation des articles 8 et 13 de la CEDH
(CEDH, 13 mars 2025, Calvez c. France, n°27313/21)
La présente affaire concerne le placement de la fille mineure de la requérante à l’aide sociale à l’enfance, en raison de difficultés rencontrées par Mme Calvez pour subvenir à ses besoins et lui offrir un cadre de vie sécurisant. Dans sa requête, la requérante invoque les articles 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme pour contester cette mesure.
La mesure de placement a été ordonnée le 24 janvier 2018 et confirmée par la cour d’appel de Rennes le 18 novembre 2019, cette dernière considérant que la fin du placement compromettrait les conditions de vie de l’enfant. Le 30 décembre 2019, la requérante forma un pourvoi en cassation, invoquant d’une part une violation du principe du contradictoire, et d’autre part l’absence des conditions justifiant un placement au sens de l’article 375 du code civil.
Par un arrêt du 14 avril 2021, la Cour de cassation a reconnu une violation du principe du contradictoire et a annulé l’arrêt de la cour d’appel. Toutefois, aucun renvoi n’a été ordonné et aucune mesure réparatrice concrète n’a été mise en œuvre, la Cour ayant estimé que la mesure contestée avait « épuisé ses effets », c’est-à-dire qu’elle n’était plus en vigueur.
Ainsi, la requérante n’a pas pu obtenir de réparation effective : sa fille avait déjà été éloignée d’elle pendant plusieurs mois, voire années, sans qu’elle ait eu la possibilité de se défendre de manière adéquate.
La requérante allègue une violation de l’article 8 de la Convention, soutenant que le placement était une mesure extrême et disproportionnée. Elle souligne qu’elle n’a pas pu jouer un rôle suffisant dans le processus décisionnel, notamment en appel, car elle n’avait pas eu connaissance de certains éléments essentiels du dossier.
La Cour rappelle que la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant peut justifier des mesures d’éloignement, et que les autorités nationales disposent d’une large marge d’appréciation, étant en contact direct avec les parties concernées. Elle observe également que des mesures moins contraignantes avaient été envisagées, et que l’enfant elle-même ne souhaitait pas retourner vivre chez sa mère.
S’agissant du rapport évoqué par la requérante, la Cour constate que même si elle n’en a pas eu pleinement connaissance, il ressort du dossier que la possibilité lui avait été laissée de consulter le dossier, conformément aux exigences procédurales.
La requérante invoque également l’article 13, combiné aux articles 6 § 1 et 8, pour se plaindre de ne pas avoir disposé d’un recours effectif contre les atteintes prétendument commises par la cour d’appel.
La Cour rappelle que l’article 13 exige un recours effectif, mais n’impose ni la multiplication des voies de recours, ni l’existence d’un troisième degré de juridiction. Elle note que la requérante a eu un accès concret et effectif pour contester le placement, y compris un pourvoi en cassation, qui a permis d’exercer un contrôle de légalité.
La Cour conclut que la France n’a pas violé l’article 8 de la Convention en plaçant la fille mineure à l'ASE. De plus, la Cour déclare que le grief tiré de l’article 13 est manifestement mal fondé et doit être rejeté.
Sara DONINELLI
M1 DEDH