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Le recours à des fouilles corporelles intégrales répétées est justifié en raison du caractère subsidiaire de la mesure, de sa nécessité et de sa proportionnalité dès lors qu’elle ne porte pas atteinte à la dignité humaine

Conseil d’Etat, 24 février 2025, n°495326

Le 24 février 2025, le Conseil d’Etat a jugé que, dans le cadre d’une incarcération, et dès lors qu’il n’existait aucune autre mesure moins intrusive permettant d’atteindre le même but, le recours à plusieurs fouilles corporelles intégrales sur une période relativement courte était nécessaire et proportionné.

Par un jugement rendu le 19 avril 2024, le tribunal administratif de Lille a fait droit à une demande de condamnation de l’Etat du fait d’un préjudice subi par un détenu de centre pénitentiaire après avoir fait l’objet de cinq fouilles corporelles intégrales sur un intervalle de douze semaines. Le garde des sceaux s’est pourvu en cassation contre ce jugement.

 

Afin d’apprécier le bien-fondé du jugement attaqué, le Conseil d’Etat commence par rappeler le cadre législatif entourant le recours aux fouilles corporelles intégrales. Tout d’abord, l’ordre public et les contraintes du service pénitentiaire peuvent légitimer le recours à des fouilles intégrales répétées, dès lors qu’elles ne sont pas systématiques et qu’elles sont justifiées par un motif prévu par la loi en prenant en considération la situation de la personne, notamment son comportement passé. Ensuite, les fouilles corporelles intégrales doivent constituer une mesure à caractère subsidiaire; de plus, elles doivent être nécessaires et proportionnées. Enfin, elles doivent être effectuées dans des conditions qui ne sont pas attentatoires à la dignité de la personne.

 

Le Conseil d’Etat va alors vérifier si ces conditions sont remplies en l’espèce. Pour cela, il prend en considération des faits et des éléments précis de la situation du détenu, notamment la nature des faits ayant motivé son incarcération, pour déterminer que le recours à des fouilles corporelles intégrales et répétées était nécessaire et proportionné.

 

En effet, le détenu a fait l’objet de rapports d’évaluation de son comportement dont il résulte que certains incidents disciplinaires avaient consisté à se procurer un téléphone pour communiquer avec d’autres personnes, dont certaines étaient prévenues pour des faits similaires à ceux du détenu, c'est-à-dire, des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme.

 

Le Conseil d’Etat estime donc que du fait de la nature des faits ayant conduit à l’incarcération du détenu, de son comportement en détention ainsi que des nécessités de l’ordre public et les contraintes de sécurité propres au milieu pénitentiaire, le recours aux fouilles corporelles intégrales répétées sur un intervalle de temps relativement court était nécessaire et proportionné. De plus, le caractère subsidiaire du recours à ces mesures a été respecté dès lors qu’aucune autre mesure moins intrusive n’aurait permis d’atteindre le même but dans des conditions équivalentes. Enfin, le recours aux fouilles intégrales et les conditions dans lesquelles elles ont eu lieu n’ont pas porté atteinte à la dignité du détenu. Ainsi, le jugement du tribunal administratif de Lille du 19 avril 2024 a été annulé.

Valèntina SAVAROC--GARAY

M1 DEDH

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