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Le Conseil constitutionnel déclare partiellement conforme la loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite
(Conseil constitutionnel, 26 juillet 2023, n° 2023-853)

Le Conseil Constitutionnel a été saisi par plus de 60 députés en vertu de l’article 61 de la Constitution afin de se prononcer sur la conformité des articles 2, 3 et 7 ainsi que certaines dispositions des articles 1, 4, 6, 8, 10 de la loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite. Le Conseil retient que l’ensemble des dispositions contestées de la loi déférée sont conformes à la Constitution, à l’exception de son article 7. Nous nous attarderons sur le contrôle de conformité des articles 2, 4, 6 et 7. 

Tout d’abord, est contestée la conformité à la Constitution de l’article 2 qui vient compléter l’article L.412-3 du code de procédure civile d’exécution, modification venant exclure la possibilité pour les occupants de bénéficier de délais renouvelables au cours d’une procédure d’expulsion. 

 

Le Conseil se penche dans un premier temps sur la question du respect du droit à un recours effectif. Il écarte rapidement ce grief après avoir rappelé que si celui-ci est garanti notamment par l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, le fait de ne pas pouvoir bénéficier de délai supplémentaire n’a ni pour objet, ni pour effet de limiter la possibilité pour l’occupant de se défendre devant un juge. De ce fait, cela ne porte pas atteinte au droit à un recours effectif.

 

Le Conseil s’attarde alors ensuite sur la conciliation entre droit de propriété et la sauvegarde de la dignité humaine. En effet, le Conseil rappelle que l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen protège l’inviolabilité du domicile et que le préambule de la Constitution de 1946 consacre la sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation comme principe à valeur constitutionnelle. Toutefois, le Conseil estime que dans la mesure où l’objectif du législateur est de renforcer la protection du droit de propriété et que l’exclusion du bénéfice d’extension des délais renouvelable n’est possible que sous le contrôle du juge ordonnant l’expulsion dans des circonstances précises, la conciliation entre les exigences constitutionnelles susnommées n’est pas déséquilibrée. 

 

L’article 4 insère quant à lui un nouvel article 226-4-2-1 réprimant la propagande ou la publicité en faveur de méthodes visant à faciliter ou à inciter l’occupation frauduleuse de certains locaux. Les députés requérants estiment que l’imprécision des termes « propagande » et « publicité » aurait pour vocation d'entraîner la réprimande des messages diffusés notamment par les associations (même celles agissant de bonne foi) à des fins humanitaires et méconnaissant donc l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ainsi que le principe de solidarité et fraternité et enfin une atteinte injustifiée à la liberté d’expression.

 

Le Conseil vient tout d’abord indiquer que les termes susnommés désignent un procédé spécifique et que par conséquent, cela ne pourrait pas amener à « incriminer la diffusion d’un message ou d’une information qui ne ferait pas directement ou indirectement la promotion de telles méthodes». Ainsi, cela ne va pas à l’encontre du principe de solidarité et de fraternité.

 

Ensuite concernant la liberté d’expression, le Conseil rappelle que si celle-ci est protégée par l’article 11 de la DDHC, il est possible qu’elle soit limitée dès lors que l’atteinte est nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif poursuivi. Le Conseil estime que l’objectif poursuivi par le législateur est la protection du droit de propriété et que les dispositions en question ne répriment que certains comportements précisément définis. Donc l’atteinte à la liberté d’expression est nécessaire, adaptée et proportionnée. 

Les députés requérants estiment que le paragraphe I de l’article 6 de la loi contestée méconnaît le principe de proportionnalité des peines dans la mesure où il étend l’infraction prévue à l’article 226-4 du code pénal aux locaux à usage d’habitation qui ne pourraient pas être qualifiés de domicile. Si le Conseil estime que cette disposition est conforme à la Constitution, il émet toutefois une réserve imposant au juge d’apprécier si la présence des meubles dans le local en question « permet de considérer que cette personne à le droit de s’y dire chez elle ».

 

Le paragraphe II vise à étendre la procédure d’évacuation de personnes occupant un domicile, à tous les locaux à usage d’habitation. Le Conseil vient ici encore mettre en avant la volonté du législateur de protéger le droit de propriété en estimant que ladite disposition est conforme à la Constitution tout en rappelant que les conditions et garanties de la procédure en question sont notamment assurées par le fait que le préfet ne peut prendre une telle décision sans considération de la situation personnelle et familiale de l’occupant.  

 

Les requérants ont également contesté l’article 7 visant à modifier l’article 1244 du code civil permettant ainsi aux propriétaires de ne pas être responsables en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien ou d’un vice de construction de leurs biens immobiliers occupés illicitement. Le Conseil rappelle dans un premier temps que l’existence d’un régime de responsabilité de plein droit en cas de dommage causé par un défaut d’entretien ou d’un vice de construction l’indemnisation des victimes est d’intérêt général. Qu’ainsi l’exonération de responsabilité accordé au propriétaire en question lorsque son bien est occupé illicitement, alors même que celui-ci a démontré que le défaut d’entretien est imputable à l’occupant ou empêché par celui-ci, n’est pas conforme la Constitution dans la mesure où ces dispositions portent atteinte de manière disproportionnée aux droits des victimes d’obtenir réparation et cela d’autant plus que le régime d’exonération aménagé par l’article 7 contesté porte atteinte autant à l’occupant sans droit ni titre mais aussi aux tiers.             

Margot Graffin

M2 DEDH

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