La possibilité de maintien du droit de séjour des ressortissants de pays tiers victimes de violence domestique en cas de divorce étendue
(CJUE, GC, 2 septembre 2021, X contre État belge, C-930/19)
Dans cette affaire, X, ressortissant algérien, rejoint en 2012 son épouse française vivant en Belgique et bénéficie ainsi d’un droit de séjour dérivé dans cet État. Suite à des violences conjugales, X quitte leur domicile en 2015, et quelques mois plus tard, son épouse repart vivre en France. Ce n’est qu’en 2018 qu’il introduit une procédure de divorce. Entre temps, n’ayant pas apporté la preuve de ressources suffisantes, l’État belge met fin à son droit de séjour.
Le requérant conteste cette décision devant le Conseil du contentieux des Étrangers. Il sollicite le maintien de son droit de séjour en application de la loi belge du 15 décembre 1980. Celle-ci transpose l’article 13§2 de la directive 2004/38, prévoyant que le divorce n'entraîne pas la perte du droit de séjour du ressortissant de pays tiers conjoint d’un citoyen de l’Union lorsqu’une situation particulièrement difficile l’exige, notamment en cas de violence domestique, et à condition que le ressortissant de pays tiers possède les ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État.
La juridiction saisie relève une différence entre le régime prévu par cette directive et celui instauré par l’article 15§3 de la directive 2003/86. Selon cette dernière, dans l’hypothèse d’un ressortissant de pays tiers victime de violence domestique et ayant bénéficié du droit au regroupement familial avec son conjoint également ressortissant de pays tiers, son maintien dans l’État d’accueil en cas de divorce n’est soumis qu’à la preuve de ces violences. La juridiction invite la CJUE à se prononcer sur la conformité de l’article 13§2 de la directive 2004/38, qui paraît moins favorable, au regard du principe d’égalité de traitement consacré à l’article 20 de la CDFUE.
Se pose d’abord la question de l’applicabilité de l’article 13§2. La Cour a précédemment jugé (arrêt NA, 30 juin 2016, C-115/15) que cette disposition doit être interprétée en ce sens que le maintien du droit de séjour qu’elle prévoit n’est possible que si la procédure de divorce a été introduite avant le départ du conjoint de l’État d’accueil. La Cour revient explicitement sur cet arrêt et considère désormais que le maintien peut s’envisager quand bien même la procédure de divorce serait entamée après le départ du conjoint de l’État, mais à condition que la procédure soit introduite dans un délai raisonnable. Sans préciser davantage cette condition, la Cour estime qu’en l’espèce, le délai de 3 ans entre le départ de l’épouse et le début de la procédure de divorce « ne paraît pas correspondre à un délai raisonnable ». L’applicabilité de l’article 13§2 reste toutefois actée.
La CJUE peut ensuite s’intéresser à sa validité. Elle constate que les deux articles en cause partagent l’objectif de protection des membres de la famille victimes de violence domestique. Cependant, ils proviennent de directives relevant de domaines différents, la directive 2004/38 portant sur la libre-circulation des citoyens de l’Union et la directive 2003/83 relevant de la politique migratoire. Ces deux domaines comportent des principes, une marge d’appréciation laissée aux États et des objectifs différents, ce qui empêche de considérer que les personnes concernées par la première directive et celles relevant de la seconde sont dans des situations comparables. Partant, une éventuelle différence de traitement entre ces deux groupes ne viole pas l’égalité de traitement. Ainsi, rien n’entache la validité de l’article 13§2 de la directive 2004/38.
Par Roxane LASEURE (Matser 1), Loreleï LEMARCHAND (Master 2) et Auriane PAULIK (Master 1)