L’ambivalence de la relation américano-européenne n’est pas nouvelle. Cependant, les dernières années ont détérioré l’amitié entre les deux puissances du fait de l’administration Trump. Pour Washington, Bruxelles incarne désormais un modèle idéologique concurrent. L’histoire des relations américano-européennes est faite de rebondissements. De surcroît, le fait pour l'Union européenne de ne pas avoir de politique étrangère unique complique les relations communautaires à l’international.
Jadis, les États-Unis d’Amérique représentaient un soutien essentiel pour l’intégration européenne, mais la fin de la Guerre Froide a terni cette collaboration. L’historique des accords américano-européens est court. Un système de consultation régulière de haut niveau a été mis en place avec la déclaration transatlantique du 22 novembre 1990. Cinq années plus tard, un sommet entre l'Union européenne et les États-Unis a permis l’adoption d’une déclaration d’engagements politiques : le NAT.[1] À compter de ce moment, l’AMI[2] est négocié par les vingt-neuf États membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques[3] qui tente, pour la première fois, l’établissement d’un marché transatlantique : projet qui sera, une nouvelle fois, abandonné. Ce n’est qu’en 2013 que la Commission européenne a reçu un mandat de négociation avec son partenaire américain pour mettre en place le Partenariat Transatlantique. L’objectif était d’établir une vaste zone de libre-échange harmonisant des réglementations sur un grand nombre de domaines dans le but de concurrencer la Chine. Cependant, le Président Trump s’est retiré des négociations, car aucun terrain d’entente n’a été trouvé quant à la résolution des conflits liés aux investissements. En 2019, ce projet a été transformé en mini-traité sur les biens industriels [4] : la France a voté contre suite au retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur l’environnement.
Certaines présidences américaines ont adopté une stratégie favorable à l'Union européenne contrairement à d’autres. En 2016, Barack Obama déplorait le Brexit et invitait les électeurs du Royaume-Uni à rejeter la sortie de l’Union européenne. Il était étonnant que le Président des États-Unis vienne en aide aux institutions européennes, ce qui a confirmé l’intérêt des États-Unis pour l'Union européenne, en totale opposition à Donald Trump qui encourageait le Brexit. Les États-Unis ont joué un rôle important dans la construction idéologique européenne, notamment au travers du « Plan Marshall ». Toutefois, l’idée était d’établir une stratégie pour soutenir l’économie européenne, ce qui venait de pair avec bon nombre d’intérêts commerciaux pour les États-Unis.
Pourtant, le Président Trump a altéré la vision que l’Union européenne avait de son allié américain : les États-Unis considèrent l’Union européenne comme un ennemi commercial. Au niveau juridique, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) est le seul accord majeur qui relie les États-Unis à certains États membres de l’Union, même si Donald Trump menaçait assidûment d’en sortir. Le 45ème Président des États-Unis est connu pour mépriser les accords internationaux. En effet, au cours des dernières années, l’euroscepticisme de Donald Trump a terni les relations américano-européennes. La taxe dite « Trump » a, notamment, eu un impact catastrophique sur les exportations européennes aux États-Unis. L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a autorisé Washington a appliqué des tarifs punitifs en réponse aux subventions européennes accordées à Airbus. Puis elle a autorisé l’Union européenne à imposer des droits de douane sur les marchandises américaines en représailles aux subventions illégales accordées par Washington à Boeing.
M. Valdis Dombrovskis, Vice-président exécutif de la Commission et Commissaire européen au commerce, a souligné que la relation américano-européenne demeure la plus importante au monde et tend à être « une force pour le bien dans le monde ». Pour autant, l’Union européenne est restée sur ses gardes et a répondu au coup par coup à l’administration protectionniste de Trump.
La récente élection du 46ème Président des États-Unis, qui semble avoir une vision différente de celle de son prédécesseur, annonce de meilleures relations entre les deux puissances. En février 2019, Joe Biden annonçait sa candidature et soutenait fermement l’OTAN ainsi que l'Union européenne. Durant sa campagne, il n’évoque que très rarement l’Europe et l'Union européenne, il prône des États-Unis tournés vers l’intérieur. Malgré tout, Joe Biden reste favorable au libre-échange, à la résolution des problèmes climatiques notamment au travers des mécanismes d’ajustement carbone aux frontières et promet un retour dans l’Accord de Paris. Il a une véritable volonté de travailler avec les européens pour sauver l’OMC. Nonobstant, sa priorité reste la défense des intérêts nationaux, ce qui n’est pas à négliger. Une idée générale demeure : les États-Unis instrumentalisent l'Union européenne pour défendre leurs intérêts face à la Chine. La renaissance de l’atlantisme ne doit pas rimer avec l’oubli des intérêts européens.
Il est du devoir de l’Union européenne de réfléchir à sa propre voix face aux États-Unis et la Chine, les deux grands géants du monde. L'Union européenne maintient sa ligne de conduite et continue de défendre le multilatéralisme. Elle attend de pied ferme le retour de son partenaire américain dans l’Accord de Paris sur les questions environnementales. Même si Donald Trump a détérioré les relations américano-européennes, il a aussi forcé l’Europe à se confronter : cette dernière a effectivement toujours avancé sur la base d’alliances et n’a jamais misé sur sa propre autonomie. Cette hostilité de l’administration Trump a poussé l’Europe dans ses retranchements, par exemple concernant le système d’appel en dehors de l’OMC ou l’internationalisation de l’euro avec l’INSTEX[5]. Il y a un besoin essentiel pour l'Union européenne d’exister sur la scène internationale afin de faire face aux deux puissances mondiales que sont la Chine et les États-Unis. Comme le souligne M. Henry Kissinger, pour critiquer le manque de visibilité de l’Union européenne sur la scène internationale : « L’Europe, quel numéro de téléphone ? », il est nécessaire de développer une autonomie stratégique pour devenir un acteur international et non plus, un spectateur. Cela n’implique pas d’exclure toutes coopérations avec d’autres États, au contraire, mais bien d’affirmer ses propres règles du jeu.
Au niveau politique, le départ de Donald Trump entraîne la perte d’un soutien de poids pour les leaders populistes européens, ayant pour conséquence un retour aux sources de la relation transatlantique : la promotion de la démocratie. Ces derniers temps, l'Union européenne constate des dérives démocratiques au sein de ses États membres, qu’elle ne saurait laisser impunies. Elle a, par ailleurs, trouvé un accord provisoire prévoyant un mécanisme qui lie le versement des fonds européens au respect des valeurs européennes pour remédier à la situation.
L’élection de Joe Biden en novembre 2020 annonce un renouveau des relations américano-européennes pour tendre vers une collaboration moins ambulatoire, mais restant ferme. Ce retour à un candidat partisan du multilatéralisme doit appuyer l’Europe dans sa quête d’une autonomie stratégique, sans la laisser s’effacer de la scène internationale…
[1] Nouvel Agenda Transatlantique, adopté à Madrid en 1995 visant à l’élaboration d’un marché commun entre les États-Unis et l’Union Européenne.
[2] L’accord multilatéral sur les investissements : négocié clandestinement à partir de mai 1995, sans informer les parlements nationaux
[3] OCDE
[4] Suppression des droits de douane sur les marchandises.
[5] Instrument in Support of Trade Exchanges
Étudiante du M2 Droit européen des affaires, promotion 2020-2021, responsable cohésion de l'ALYDE (2020-2021)
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