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Condamnation du Danemark au titre des articles 3 et 8 de la CEDH en raison d’importantes défaillances procédurales dans le cadre d’une plainte pour viol.

CEDH, 15 octobre 2024, DAUGAARD SORENSEN v. DENMARK, n° 25650/22

Dans les faits de l’espèce, le 7 juin 2021, la requérante Mme Daugaard Sorensen a dénoncé à la police danoise le viol dont elle a été victime. Le 31 juillet 2021, le parquet a décidé d’abandonner les poursuites contre A., le violeur présumé, au motif d’éléments à charge insuffisants. Mme Daugaard Sorensen interjeta appel de cette décision qui fut infirmée par le procureur régional. En vertu du droit danois, cette décision devait être notifiée à A. dans un délai de deux mois.

Cette notification devait se faire sur le compte Digital Post de M. A., cette procédure étant obligatoire pour tous les citoyens danois de plus de 15 ans afin de garantir la communication numérique entre eux et les autorités publiques. Cependant, en raison d’une faute de frappe dans les informations concernant A. dans la base de données du procureur, A. n’a pu être informé par le biais de son compte Digital Post. Une lettre recommandée lui fut alors envoyée mais en raison d’une deuxième erreur dans la base de données, le nom de A. n’apparaissait pas à son adresse et la lettre fut ainsi retournée au parquet, indiquant « destinataire inconnu à cette adresse ». Enfin, en raison d’une dernière erreur, aucune autre notification de la lettre ne fut tentée. Ainsi, A. n’ayant pas été informé de la décision le concernant dans le délai de deux mois prévu par le droit danois, les charges retenues à son encontre ont été abandonnées. 

Mme Daugaard Sorensen fut informée que les poursuites avaient été abandonnées par une lettre du procureur régional lui expliquant que cette situation était due à des erreurs commises par son bureau. Mme Daugaard Sorensen a par la suite saisi les juridictions internes danoises de demandes de réparation dont elle fut déboutée. 

Devant la Cour européenne des droits de l’homme, Mme Daugaard Sorensen invoquait une violation des articles 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants), 6 (accès à un tribunal), 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention, soutenant qu’elle avait été privée de son droit à des poursuites et à un contrôle juridictionnel effectif. 

La Cour ne juge pas nécessaire d’examiner les griefs fondés sur les dispositions des articles 6 et 13 de la Convention. 

Concernant les griefs fondés sur les articles 3 et 8 de la Convention, la Cour les examine conjointement, ces articles faisant chacun peser sur les États membres une « obligation positive ». En effet, dans la jurisprudence constante de la Cour, ces articles ont la particularité d’obliger les États membres à adopter des dispositions en matière pénale qui sanctionnent effectivement le viol, mais également à mettre en place des enquêtes et poursuites rapides et effectives. 

La Cour analyse alors les erreurs commises dans le cas de l’espèce et remarque qu’elles ne relèvent pas d’un problème structurel et systémique, et qu’il ne semble pas avoir de doutes sur le fonctionnement général du système pénal et du système de notification des décisions du Danemark.

Malgré ce fonctionnement généralement effectif, la Cour observe que trois erreurs consécutives ont bien été commises, et qu’elles auraient pu être évitées. La Cour ne recherche pas de responsable à ces erreurs, elle note seulement la conséquence sur la situation de Mme Daugaard Sorensen qui a été privée de son droit à des poursuites effectives et à un contrôle juridictionnel effectif de la décision de ne pas poursuivre. 

La Cour européenne des droits de l’homme conclut ainsi à des défaillances significatives, qui ont entaché la procédure pénale relative aux allégations de viol de la requérante. Ces défaillances suffisent à démontrer que le Danemark a manqué aux obligations que les articles 3 et 8 de la Convention font peser sur lui. 

Ainsi la Cour montre l’importance des obligations positives pesant sur les États en matière de respect des droits fondamentaux et le risque d’entrer en violation de la Convention si ces obligations ne sont pas correctement respectées ou implantées.

Justine GAJDA

M2 DEDH

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