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REVUE DU MARCHÉ

INTÉRIEUR DE l'ALYDE 2

2021-2022

Trois articles ont, cette année, été retenus : 

Marchandisation des données personnelles

– PAR KILIAN MIEUSSET (DEA) ET ANTOINE PIZZORNI (DEA)

Libre circulation des marchandises et cannabis : menace ou bienfait du "tout marché" pour la santé publique européenne ? 

– PAR JULIEN BEAUVE (DEA) ET NAWEL SOMRANI (DEA)

Egalité hommes-femmes et marché intérieur : entre dépendance et émancipation

– PAR NINA RAMAMONJISOA (DEA) ET ELINA TURCO  (DEA)

Introduction

 

par Etienne Durand

Maître de conférences en droit public

Directeur du Master Droit européen des affaires

 

***

« (L)e signe auquel on reconnait immanquablement le juriste réside avant tout dans sa façon de discourir sur le monde, en assurant sa traduction (...) dans la grille conceptuelle des catégories juridiques, en recomposant le tableau de la ‘nature naturelle’ pour peindre celui d’une ‘nature juridique’, c’est-à-dire en mettant le monde en droit à la manière du compositeur qui le met en musique » 

O. CAYLA, « La qualification ou la vérité du droit », Droits 1993, n° 18, pp. 3-18, spéc. pp. 3-4. 

Tirant profit du travail interprétatif de la Cour de justice, l’Union est, pour ainsi dire, toujours parvenue à saisir la réalité qui l’entoure en l’enserrant dans les catégories juridiques accueillantes issues des règles du marché intérieur. Ainsi, et dans une description caricaturale du droit du marché, on pourrait soutenir que chaque chose est appréciée au regard de sa capacité à être ou ne pas être une marchandise, un capital, une personne ou un service. 

 

C’est là un cadre rassurant. L’application alternative des régimes de libre circulation confère à l’ensemble du droit du marché un ordre, et donc une rationalité, qui fonde sa légitimité profonde et participe à son harmonie. La Cour a préservé le système de toute dissonance, en fondant sa conception du monde autour de ces quatre catégories, donnant au marché intérieur la coloration d’un accord septième : la dominante (les marchandises), la tierce (les services), la quinte (les capitaux) et la septième (les personnes, … qui pour filer la métaphore jusqu’au bout, peuvent d’ailleurs être majeures ou mineures !). 

 

Quant aux considérations nationales d’intérêt général qui justifient, ci et là, de mettre en nuance les libertés de circulation, elles ne constituent pas des ruptures dans la musicalité du marché. Elles s’inscrivent au contraire dans les intervalles rythmiques que celui-ci aménage dans le cadre du régime des exceptions, sous la forme de raisons impérieuses ou d’exigences impératives d’intérêt général. 

Comme le mouvement de balancier d’un métronome, libertés de circulation, d’un côté, raisons et exigences d’intérêt général, de l’autre, battent la mesure du marché (principe, exception, principe, exception, principe, exception, …) tandis que le contrôle de proportionnalité en fixe le tempo. 

 

Cette structure binaire a si longtemps marqué la méthode du marché intérieur, qu’elle a instauré dans l’esprit des étudiants et des enseignants ce genre de mélodie entêtante qu’on a le plus grand mal à chasser de nos têtes. 

 

Mais cette mélodie est de plus en plus empreinte par le bruit d’un monde qui change, qui s’accélère, qui se complexifie, se numérise et se politise. 

 

Le musicien peut voir cela comme une contrainte. En présence d’une perturbation sonore externe, le maintien de l’harmonie l’oblige alors à ajuster l’interprétation de sa partition, sinon à adapter sa lecture de la musique. Beethoven n’a-t-il pas poursuivi son œuvre magistrale en l’absence de son sens le plus élémentaire ? Parfois plus audacieux, le musicien peut saisir les opportunités offertes par ces sonorités nouvelles qu’ils pensent inédites, pour s’affranchir des préceptes classiques et s’autoriser à en improviser franchement l’interprétation. Considéré comme hérétique pour les puristes occidentaux, l’apparition du rythme ternaire sous l’influence des gospels afro-américains n’a-t-elle pas été une source inépuisable d’inspiration pour les Jelly Roll Morton, Buddy Bolden et autres prétendus « Inventeurs du jazz » ? 

 

Sans qu’il soit possible d’affirmer qu’il fasse la sourde oreille ou, au contraire, qu’il se lance éperdument dans l’improvisation la plus complète, le droit européen du marché est continuellement mis à l’épreuve de cette « valse du cosmos », qui le pousse à éprouver en permanence la pertinence de ses méthodes traditionnelles d’appréhension. 

 

La précédente livraison de la Revue du marché intérieur de l’Alyde en avait d’ores et déjà cerné les enjeux : la montée en puissance des préoccupations climatiques, qui se déclinent sur une échelle globale et transgénérationnelle, interroge la logique court-termiste et régionalisée sur laquelle est fondée le marché intérieur ; la consommation en circuit-court, animée par des revendications sociales et environnementales légitimes, s’inscrit dans une trajectoire résolument opposée à celle du marché intérieur de l’Union, qui accorde une méfiance de principe à l’égard de toute démarche de cloisonnement des échanges à une échelle nationale ou infranationale ; de même, encore, que les revendications liées à la protection de l’animal, en droit de l’Union, là où les règles du marché intérieur ne connaisse pas de catégorie capable d’appréhender correctement un tel sujet d’imputation, l’animal n’étant ni tout à fait une marchandise, ni tout à fait une personne. Parallèlement, l’enracinement des libertés de circulation, ancrées dans le champ des libertés fondamentales garanties par l’ordre juridique de l’Union reflète une certaine inertie du marché intérieur européen, a priori peu enclin à remettre en cause sa matrice libérale traditionnelle au gré des évolutions sociales, politiques et environnementales qui l’entourent. 

 

Le deuxième numéro de la Revue du marché intérieur de l’Alyde, qui recense à nouveau les meilleurs travaux réalisés par des étudiants dans le cadre d’un cours éponyme suivi en Master 1, laisse à penser que les mêmes dissonances demeurent, sinon qu’elles ont vocation à faire durablement écho dans le concert européen. 

Ainsi en va-t-il, d’abord, de l’évolution des sciences et techniques, et la numérisation accrue de la vie publique, qui soumettent le marché à des formes nouvelles d’échange avec lesquelles il a le plus grand mal à composer : à savoir l’échange de données personnelles. Pareil phénomène, parce qu’il repose en grande partie sur de l’immatériel, qu’il se propage à des échelles géographique et temporelles illimitées, est rétif à une appréhension par les mécanismes traditionnels du marché intérieur, conduisant certains observateurs à envisager l’hypothèse d’une cinquième et nouvelle liberté de circulation dans le marché, spécialement dédiés à la circulation des données numériques. Kililan Mieusset et Antoine Pizzorni en éprouvent la crédibilité, dans une étude portant sur « La marchandisation des données personnelles ». Ainsi en va-t-il, encore, de l’évolution, sociale cette fois, quant à la perception que revêt dans l’inconscient collectif la consommation de drogues dites douces. Aucun lecteur rompu à la jurisprudence de la Cour n’a pu échapper à la connaissance de l’arrêt Kanavape, ou – plus vraisemblablement – manquer de constater la prolifération de produits dérivés du CBD sur les étals des buralistes alentours : signe révélateur que le droit du marché imprègne, en profondeur, le quotidien des citoyens de l’Union. Mais, il reste qu’une telle prise de position de la Cour, quoique juridiquement fondée sur les règles de libre circulation des marchandises, ne peut se concevoir dans l’indifférence des enjeux sociaux et politiques que revêt le sujet dans les ordres juridiques internes au regard des relations ambiguës qu’elle entretient avec les préoccupations liées à la protection de la santé publique. Ces aspérités sont au cœur de l’étude conduite par Nawel Somrani et Julien Beauve. 

D’autres dissonances à l’écho plus ancien peinent, malgré leur persistance, à provoquer un ajustement profond des règles du marché intérieur. C’est le cas de l’égalité entre les sexes dont la fréquence et la profondeur des atteintes n’ont souvent d’égale que l’immobilisme et l’inefficacité de la règle de droit censée les réprimander. Ce constat demeure en droit du marché. Au travers de leur étude, Nina Ramamonjisoa et Elina Turco soulignent qu’en dépit d’avancées remarquables, l’égalité entre les hommes et les femmes demeure placée sous la dépendance du marché intérieur et ne pourra pleinement se réaliser qu’au prix d’une émancipation vis-à-vis de celui-ci. 

 

Ce second opus n’aurait pu monter sur scène, sans le soutien du chargé de travaux dirigés, Monsieur Florian Berger, qui a dû interrompre ses réflexions sportives engagées dans le cadre de sa thèse de doctorat, pour s’essayer à la direction musicale. Et il l’a fait avec le talent et la rigueur du chef d’orchestre.

 

Sans étayer davantage ce propos liminaire, au risque de confiner au rôle de l’artiste assurant la première partie d’un concert et cherchant à voler la vedette en faisant fi d’une lassitude déjà palpable du public, il ne me reste qu’à souhaiter aux lecteurs une agréable découverte des lignes qui suivront et à féliciter celles et ceux qui les ont si adroitement composées. 

 

Etienne Durand

(1) Art. 26 §2 TFUE : « Le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités ».

 

(2) CJCE, 24 mars 1994, Schindler, aff. C-275/92. 

(3) L’on songe ici, en particulier, à la libre circulation des travailleurs qui a fait office de prolégomènes à la libre circulation des citoyens de l’Union, dont ces derniers peuvent revendiquer le bénéfice sans condition d’âge (v. notamment : CJUE, 8 mars 2011, Gerardo Ruiz Zambrano contre Office national de l’Emploi, aff. C-34/09). C’est là la conséquence du processus d’intégration, dont l’effet de débordement, propre de la dynamique du spill-over effect, le conduit à élargir progressivement le champ des disciplines appréhendées par le droit européen, et à former des ensembles concentriques autour de la solidarité interétatique initialement ancrée dans le marché.  

(4) « L’immobilité de la loi vient se cogner avec obstination à la valse du cosmos et à l’avancée des savoirs » (H. Le Tellier, L’anomalie, Gallimard, 2020, p. 179. Cette citation inaugurait l’éditorial de la Revue du Marché intérieur de l’Alyde l’année de son lancement. 

Marchandisation des données personnelles

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Table des matières

Introduction

 

I. La marchandisation des données à l’épreuve du marché intérieur

II. Le marché et l’expérience de la libre circulation des données personnelles

III. Vers l’émergence d’un cinquième régime de liberté de circulation ?

 

Conclusion

 

Bibliographie 

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Introduction

     Depuis 2015, les enjeux de l’Union européenne se concentrent autour de plusieurs secteurs majeurs, dont celui du numérique. Pour ce faire, la Commission européenne a mis en œuvre sa « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe », à travers des chantiers colossaux comme les projets Digital Service Act et Digital Market Act, ce qui poursuit un objectif d’intégration dans le marché intérieur de l’UE.

    Face à ce récent et mouvant secteur du numérique, la gestion et l’utilisation des données personnelles et non personnelles sont devenues l’élément phare de l’évolution d’un renouveau de la société humaine, centré autour du numérique. La liberté de circulation est la mise en rapport entre d’un côté des individus désireux d’accéder à un mode de vie, et de l’autre, la circulation des marchandises, des services, des capitaux, des travailleurs mais aussi des données. Cette dernière apparaît ainsi plus que primordiale dans un monde toujours plus numérisé. 

     Il est nécessaire d’observer une distinction entre les données personnelles, et les données non personnelles, qui ne sont pas régies par la même législation. En effet, l’article 4, du Règlement général sur la protection des données 2016/679 adopté par le Conseil et le Parlement Européen le 27 avril 2016, ci-après abrégé RGPD, définit les données à caractère personnel comme toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable. Les données à caractère non personnel se définissent comme toutes les données autres que les données à caractère personnel au sens de ce même article. 

     Cependant, il apparaît que les données personnelles sont l’élément central du secteur numérique, et donc du marché digital.

     Ainsi, la marchandisation des données personnelles et leur protection nécessite la mise en place d’un cadre juridique défini, qui doit prendre en considération l’ambivalence entre la commercialisation des données personnelles, la collecte massive et le traitement des données à large échelle, et leur protection, à travers notamment le RGPD.

     Pour répondre à la marchandisation des données personnelles, le marché européen doit-il se tourner vers une cinquième liberté de circulation ?

    Premièrement, il sera question d’observer le phénomène de marchandisation des données personnelles à l’épreuve d’un marché intérieur européen déjà structurellement établie entre 4 libertés de circulation (I). Cette analyse emmènera dans un second temps notre raisonnement à pratiquer l’exercice inverse et ainsi déceler comment le marché intérieur s'est progressivement adapté à l’heure mondiale du numérique (II). Enfin, on étudiera comment la Commission européenne a appliqué un nouveau régime de libre circulation subsidiaire et a laissé son application en grande partie directement entre les mains des opérateurs et des autorités publiques (III). 

  1. La marchandisation des données à l’épreuve du marché intérieur

 

        La donnée numérique apparaît désormais aux yeux de nombreux acteurs économiques comme la matière première d’une économie numérisée. Cependant, les propriétés de la donnée sont loin d’en faire une marchandise comme les autres. En effet, un contrôle minutieux de cette dernière en lumière que sa production dans l’ère digitale est souvent un mécanisme complexe qui l’éloigne de la notion de marchandise au sens du droit de l’Union. Ainsi, sa valeur d’usage s’avère bien plus difficile à caractérisé que dans le cas de la marchandise. Certains vont même jusqu’à considérer que la production de données numériques s’apparente non pas à une marchandise mais à une forme de travail. 

     En outre, il est nécessaire d’observer la notion de donnée distinctement de la notion de marchandise. Suivant la définition élaborée par la Cour de justice, sont des marchandises tous les produits appréciables en argent et susceptible comme tel de former l’objet de transaction commerciale. De plus, sont des marchandises tous les biens susceptibles de faire l’objet d’une importation ou d’une exportation. 

       Suivant la jurisprudence de la Cour, les données entrent difficilement dans les critères imposés. Il est très compliqué d’établir clairement une valeur d’usage appréciable en argent. En effet, ces données ne peuvent être considérées, selon la définition retenue, comme des marchandises, puisqu’elles peuvent ne pas avoir de valeur au moment de de l’échange. L’appréciation de très nombreuses données n’est produite que dans l’échange ou postérieurement à son exécution (profil d’achat d’un client, par exemple), ce qui montre que la valeur d’usage de la donnée ne s’affirme donc que dans le temps et est intrinsèquement variable. 

    De plus, l’importation et l'exportation sont deux termes parfaitement non adaptés au profil caractéristique des données personnelles numériques. Effectivement, ces données se déplacent sans limitation partout dans le monde et ne connaissent que très peu de frontières. Il conviendrait alors de véritablement révolutionner les libertés de circulation telles que nous les connaissons, en vertu de leur caractère exceptionnellement mobile.

       Enfin, dans la directive 2019/770 du Parlement européen et du Conseil datant de 2019 et relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques, on observe pour la première fois l’UE trancher sur cette question de définition de la notion de donnée personnelle.

        « (...) les données à caractère personnel ne peuvent être considérées comme des marchandises »

On observe que les données personnelles ne sont pas des marchandises au regard de l'Union européenne. La marchandisation des données personnelles ne peut donc en aucun cas être appréhendée au regard de ce premier régime de liberté. 

      Cependant, longtemps la Commission européenne et la Cour de justice ont semblé relier la libre circulation des données avec la libre circulation des services dans l’UE. Il semble que ce lien mette en évidence le caractère subsidiaire de la liberté de circulation des données, bien que son caractère exceptionnel encourage la création d’une nouvelle liberté de circulation.

     Avant de sauter le pas de la consécration d'une nouvelle liberté, il convient d’en délimiter les contours. Certes, l'exercice ne requiert pas nécessairement l'identification de frontières totalement étanches entre les différentes libertés fondamentales, puisque des hésitations sont déjà permises quant au champ d'application matérielle des libertés existantes.

     Cependant, la création d’un marché unique numérique et son incorporation au sein du marché intérieur européen nécessite une définition concrète de ce qu’il est possible d’appeler “données personnelles”. En effet, les données personnelles sont souvent liées, notamment au sein du droit dérivé, au régime de liberté de circulation des services. Plusieurs éléments viennent établir un lien de subsidiarité entre la liberté de circulation des données personnelles avec la liberté de prestation de service. 

      Cette subsidiarité est décelable au sein de la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique. La directive prévoit à son considérant 14 qu’il n’est pas nécessaire de revenir sur la question de la protection des personnes par rapport à la gestion des données personnelles. Ainsi, la libre prestation de service fonctionne en totale coordination avec les mécanismes de gestion de la libre circulation des données personnelles. 

      Cette coordination marque une hiérarchisation des régimes de liberté, plaçant la libre circulation des données en second plan.  

     On peut donc conclure cette première partie par le fait que l’expérience de la circulation des données personnelles sur le marché ne peut en aucun cas se faire via sa totale intégration dans un des régimes de liberté préexistant. Ainsi, il est nécessaire d’observer comment le marché réagit à l’expérience de la libre circulation des données. 

 

     2. Le marché et l’expérience de la libre circulation des données personnelles

      L’UE adopte des mesures destinées à établir et assurer le fonctionnement du marché intérieur. En parallèle, elle contribue à assurer un niveau élevé de protection des consommateurs dans le cadre de la réalisation du marché intérieur.

      Il est donc fondamental de trouver le bon équilibre entre atteindre un niveau élevé de protection des consommateurs et promouvoir la compétitivité des entreprises.

      Consacré dans la Charte des droits fondamentaux de l'UE, le droit des personnes à la protection de leurs données personnelles a en effet donné lieu au RGPD précité. Ce texte apporte de profondes évolutions, mais n'est pas dépourvu d'une certaine ambivalence. Par sa base juridique, il paraît a priori relever de l'Europe des droits fondamentaux plus que de celle du commerce.

      Toutefois, son objet englobe la protection des personnes mais aussi la libre circulation des données personnelles. Il constitue un des éléments de la Stratégie de l'UE en faveur du marché unique du numérique. La notion même de données personnelles est entendue largement et leur nature extra-patrimoniale ou patrimoniale n'est pas précisée. Une telle ambiguïté est de nature à permettre l'articulation du règlement avec des instruments relevant de la réalisation du marché intérieur qui admettent une patrimonialisation des données personnelles. De plus, c'est pour assurer la protection des personnes mais aussi l'égalité dans la concurrence, que le règlement s'est vu reconnaître une portée extra-territoriale.

       Cette même portée extra territoriale, clef de voûte du RGPD, a elle-même une ambiguïté dans son objectif. En effet, bien qu’envisagé dans l’optique de protéger les droits fondamentaux, l’article 49 du RGPD, développe un régime permettant, dans le cas de transferts de données à caractère personnel vers des pays tiers, de déroger à l’application des article 45 et 46 du RGPD. L’article 49 prévoit une liste exhaustive de motifs dérogatoire (intérêt public) mais surtout un motif d’intérêts légitimes impérieux permettant le contournement des obligations prévues par le RGPD et favorisant ainsi la libre circulation.  

       On observe ainsi que l’exercice de la liberté de circulation des données a poussé le législateur européen, à l’image des autres régimes de liberté déjà présents, à chercher à libéraliser au maximum la circulation des données. Les droits fondamentaux apparaissent non pas comme un objectif, mais plus comme un moyen de, d’une part, délimiter un marché intérieur numérique européen, et, d’autre part, un moyen pour assainir la concurrence internationale dans ce secteur. 

      La logique libérale semble alors s’être parfaitement adaptée à la libre circulation des données personnelles. 

      La méthode marchande de la liberté de circulation des données rappelle celle de la liberté de circulation des citoyens et notamment des travailleurs. En effet, il ne faut pas perdre de vue que cette même directive envisage le “conjoint” du citoyen européen comme un instrument de nature à inciter à circuler sur le marché. La famille des travailleurs est au service de la circulation des citoyens et ainsi l’objectif n’est en aucun cas de protéger les familles mais bien de favoriser une logique purement économique. 

       La libre circulation des données, vise à utiliser la protection des droits fondamentaux comme un instrument au service de la circulation des données sur le marché intérieur. Le marché intérieur applique donc directement sa logique purement économique à ce nouveau régime “spécial” relatif aux données personnelles. 

       La libre circulation des données via le marché intérieur va s’exprimer à partir de 2015, par la mise en place progressive d’un cadre juridique européen. Cependant, ce cadre juridique, presque exclusivement basé sur le droit dérivé, va établir un appareil spécifique à cette nouvelle liberté pouvant être vue comme une nouvelle corde à l’arc des libertés fondamentales européennes.

 

      Il convient donc de voir si un tel cadre juridique va se conclure en l’émergence d’un cinquième régime de liberté de circulation.

 

    3. Vers l’émergence d’un cinquième régime de liberté de circulation ?

     La mise en place d'une liberté de circulation intra-européenne, bien que nécessaire, semble complexe à mettre en place. En effet, bien qu’il soit toujours utile de supprimer les entraves à l'intérieur de l'UE et de renforcer l'effort d'harmonisation pour limiter les différences de traitement, un tel projet semble voué à l'échec si les opérateurs en charge d'assurer les transmissions, le stockage, les traitements des flux échappent, pour l'essentiel, aux règles européennes, à cause du champ d’applicabilité de ces dernières, étant globalement dirigées vers le continent nord-américain. Le droit européen a du mal à saisir et régir de tels phénomènes extra-territoriaux.

        En ce sens, la notion de transfert, qui détermine les modalités des flux transfrontières de données personnelles, est strictement appréciée par la Cour de justice de l’UE. En effet, un transfert de données personnelles vers un Etat n’appartenant pas à l’UE n’est envisageable qu’à condition d’un niveau de protection adéquat, qui ne peut être atteint qu’à travers le consentement de l’intéressé, la nécessité du transfert et l’offre de garanties appropriées.

      Un transfert est également envisageable sur une décision d'adéquation, auquel cas la Commission européenne tiendra compte de l’Etat de droit, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’existence et du fonctionnement effectif d’une ou de plusieurs autorités de contrôle indépendantes dans le pays tiers et des engagements internationaux pris par le pays tiers.

Ainsi, il apparaît que le droit européen exerce un contrôle effectif qui dépasse son propre territoire, ce qui semble toutefois montrer la nécessité de création d’un cinquième régime de liberté de circulation au sein du marché intérieur de l’UE consacré aux données personnelles.

      L’UE, en ce sens, s’est dotée d’un organe indépendant, le Comité européen de la protection des données, qui a pour mission principale de veiller à la bonne application du RGPD dans tous les Etats membres. Pour cela, il peut émettre des avis formels et des décisions contraignantes en cas de litiges entre autorités, mais ce comité a avant tout pour objectif de poursuivre l’élaboration de la doctrine commune des autorités de protection de données de l’UE au travers de lignes directives ou d’avis.

Le RGPD prévoit que les organisations n'auront, comme interlocuteur, qu'une seule autorité nationale chargée de la protection des données dans le pays de l'UE où elles ont leur établissement principal, au lieu de devoir s'adresser à chacune des autorités de protection des données de ces pays. En ce sens, le règlement tend à responsabiliser davantage les entreprises, tout en déléguant le contrôle européen aux autorités nationales.

      Cette réforme a donc considérablement accru la responsabilité des organismes, mais aussi de leurs prestataires et sous-traitants. Ce nouveau cadre légal a d’un côté supprimé les formalités préalables de déclaration des traitements auprès de la commission nationale de l’informatique et des libertés, ci-après abrégée CNIL, mais cela vise en une responsabilisation de l’ensemble des acteurs du traitement des données à travers des mécanismes d’autocontrôle. En effet, ces derniers sont dorénavant pleinement responsables de la protection des données qu’ils recueillent et qu’ils traitent, et il leur appartient d’en assurer la conformité à la loi tout au long de leur cycle de vie et d’être en mesure de le démontrer à tout moment, à travers le principe d’accountability.

      Au cœur de ce nouveau cadre juridique, les amendes administratives constituent un instrument d’une redoutable efficacité dans la panoplie des mesures dont les autorités de contrôle disposent pour faire respecter la réglementation : en complément des dispositions pénales déjà existantes, la CNIL peut en effet être amenée à infliger des amendes pouvant atteindre 20 millions d’euros ou jusqu’à 4% du chiffre d’affaires mondial annuel.

      Le but est donc de véritablement intégrer la marchandisation des données personnelles au marché intérieur de l’UE.

 

Conclusion

      Avec l’entrée en vigueur du RGPD, les consommateurs de plateformes numériques voient leurs droits concernant le traitement de leurs données personnelles, être consolidés. Cependant, le fondement de ce dispositif paraît se trouver plus dans la libre-circulation que dans la protection des droits fondamentaux et, au final, la maîtrise du consommateur sur les données qu’il communique dans le cadre de ses relations avec ces professionnels semble devoir rester largement illusoire.

       Il ressort donc de cette analyse que la libre circulation des données, bien que proches des régimes de libre circulation des marchandises et de libre prestation de service, gagnerait énormément, pour chaque individu, à être consacrée par l’UE. Cette consécration paraît toutefois compliquée au regard de l’aspect majoritairement extraterritorial de la circulation des données personnelles. Toutefois, au vue de la jurisprudence de la Cour, les entreprises qui ne sont pas sur le territoire de l’UE, mais qui adoptent des comportements qui ont des effets sur le marché européen tombent sous le champ d’application du droit européen. Ainsi, tout porte à croire qu’il serait plausible de penser à une mise en place progressive d’une nouvelle liberté fondamentale au regard notamment de la jeunesse de celle-ci, mais surtout de son importance stratégique dans les années futures.

MIEUSSET Kilian

PIZZORNI Antoine

M2 DEA

 

 

 

(1) Définie par le professeur Loïc Azoulai comme une méthode d’accès à des “styles de vie”.

(2) Meglena Kuneva, Commissaire européenne chargée de la protection des consommateurs, érige les données personnelles comme « the new oil of the Internet and the new currency in the digital world », elles constituent véritablement l’élément central du marché digital.

(3) H. ISAAC, 2018

(4) CJCE, 1er juillet 1969, Commission européenne c/ Italie, affaire 24-68. 

(5) CJCE, 21 septembre 1999, Läärä, affaire C-124/97.

(6)CJUE, 19 juillet 2012, Marianne Scheunemann contre Finanzamt Bremerhaven, affaire C-31/11. La Cour met en lumière la difficile distinction entre la liberté de d’établissement prévue par l’article 49 et la liberté de circulation des capitaux prévue à l’article 63.

(7)“Il n'est pas nécessaire de traiter cette question dans la présente directive afin d'assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, et notamment la libre circulation des données à caractère personnel entre les États membres”

(8) Article 26 TFUE 

(9) Article 169 TFUE 

(10) En abrogeant la Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, publiée au Journal officiel n° L 281 du 23/11/1995 p. 0031 – 0050.

(11) La protection des données personnelles y est appréhendée comme nécessaire à la confiance des utilisateurs, principalement des consommateurs dans le marché unique du numérique

(12) Les articles 45 et 46 du RGPD mettent en place la logique de respect suffisant des droits fondamentaux dans tout transfert de données vers un pays tiers ou une organisation internationale. 

(13) CJCE, 6 novembre 2003, procédure pénale contre Bodil Lindqvist, affaire C-101/101.

(14) Article 45 du RGPD

(15) Article 64 du RGPD

(16) Article 65 du RGPD

(17) Les missions de ce comité sont énoncées à l’article 70 du RGPD

(18) Article 56 du RGPD

(19) Ce principe consiste en l’obligation pour les entreprises de mettre en œuvre des mécanismes et des procédures internes permettant de démontrer le respect des règles relatives à la protection des données.

(20) C’est ainsi que la CNIL, par une décision du 7 décembre 2020, a prononcé une amende record de 100 millions d’euros pour infraction au RGPD à l’encontre de Google, confirmé par un arrêt du 28 janvier 2022.

(21) A ce sujet, la rapporteuse Anna Maria Corazza Bildt, a déclaré que “ce règlement établit de facto les données comme cinquième liberté sur le marché unique européen. En supprimant les frontières, les obstacles et les barrières, comme les règles de localisation des données, nous offrons des conditions de concurrence équitables aux entreprises européennes qui peuvent ainsi être compétitives au niveau international”.

(22) CJCE, 1993, Alstrom

 

Bibliographie 

Traités :

Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne.

Article 49 EU règlement général sur la protection des données (EU-RGPD). Privacy/Privazy according to plan. [en ligne]. (sans date). EU Datenschutz Grundverordnung (EU-DSGVO). [Consulté le 3 avril 2022]. Disponible sur : https://www.privacy-regulation.eu/fr/49.htm.

CHAPITRE V - Transferts de données à caractère personnel vers des pays tiers ou à des organisations internationales | CNIL [en ligne]. CNIL |. [Consulté le 3 avril 2022]. Disponible sur : https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees/chapitre5#Article49.

 

Droit dérivé :

Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur [en ligne]. EUR-Lex — Access to European Union law — choose your language. [Consulté le 3 avril 2022]. Disponible sur : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:32000L00317.

Lignes directrices 2/2018 relatives aux dérogations prévues à l’article 49 du règlement (UE) 2016/679 [en ligne]. (2018). EDPB | European Data Protection Board. [Consulté le 3 avril 2022]. Disponible sur : https://edpb.europa.eu/sites/default/files/files/file1/edpb_guidelines_2_2018_derogations_fr.pdf

Lignes directrices 2/2018 relatives aux dérogations prévues à l’article 49 du règlement (UE) 2016/679 [en ligne]. (2018). EDPB | European Data Protection Board. [Consulté le 3 avril 2022]. Disponible sur : https://edpb.europa.eu/sites/default/files/files/file1/edpb_guidelines_2_2018_derogations_fr.pdf

 

Règlement sur la libre circulation des données à caractère non personnel dans l’Union Européenne – Societal [en ligne]. Societal – Éthique & ; Biosciences. [Consulté le 3 avril 2022]. Répertoire de Droit International - Informatique - Michel VIVANT, Nathalie MALLET-POUJOL - Janvier 2019. Disponible sur : https://societal.genotoul.fr/reglement-sur-la-libre-circulation-des-donnees-a-caractere-non-personnel-dans-lunion-europeenne/

 

Jurisprudence :

CJCE, 1er juillet 1969, Commission européenne c/ Italie, affaire 24-68.

CJCE, 21 septembre 1999, Läärä, affaire C-124/97.

CJUE, 19 juillet 2012, Marianne Scheunemann contre Finanzamt Bremerhaven, affaire C-31/11.

CJCE, 6 novembre 2003, procédure pénale contre Bodil Lindqvist, affaire C-101/101.

 

Articles de doctrine :

E. NETTER, V. NDIOR, J.F. PUYRAIMOND, S. VERGNOLLE. Regards sur le nouveau droit des données personnelles. HAL Science ouverte. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01819635/document#:~:text=donn%C3%A9es%20ne%20constituent%20pas%20des,en%20aient%20elles%2Dm%C3%AAmes%20conscience

I.BOEV. Le nouveau règlement : un 5e principe de libre circulation ? – Dalloz IP/IT 2020. 223https://www-dalloz-fr.ezscd.univ-lyon3.fr/documentation/Document?id=DIPIT/CHRON/2020/0218 

ISAAC, H., 2018. La donnée, une marchandise comme les autres ? - Big Data : économie et régulation. [online] Fr.readkong.com. Available at: https://fr.readkong.com/page/la-donnee-une-marchandise-comme-les-autres-7340298  [Accessed 3 April 2022].

 

L. AZOULAI, « Faut-il revoir les libertés de circulation de l’UE ? », intervention au colloque « Le sens des Libertés de circulation » (dir. J.-S. Bergé), 2019 (vidéo disponible en ligne sur https://vimeo.com/357826530 ).

Le(s) service(s) dans la réglementation européenne : le contenu numérique fourni en ligne est-il nécessairement un service ? – Damien Broussolle – Rev. UE 2017. 103. Disponible sur https://www-dallozfr.ezscd.univlyon3.fr/documentation/Document?id=RMC%2FCHRON%2F2017%2F0101&ed=etudiants  

R. Perray. 2016. La délimitation territoriale du RGDP : le champ d'application et les transferts de données hors de l'Union européenne – Dalloz IP/IT 2016. 581

V-L. BENABOU, « Une cinquième liberté de circulation numérique ? Est-ce possible ? Est-ce utile ? », RTD Eur., 2021, p. 279 et s. Disponible à : https://www-dalloz-fr.ezscd.univ-lyon3.fr/documentation/Document?id=RTDEUR%2FCHRON%2F2021%2F0395 

LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES ET CANNABIS : MENACE OU BIENFAIT DU “TOUT MARCHÉ” POUR LA SANTÉ PUBLIQUE EUROPÉENNE ? 

***

Table des matières

 

Introduction……………..…………………………………

 

Partie 1 : La légalisation parcimonieuse du cannabis récréatif, mise à l’épreuve de la justification d’entraves pour protection de la santé publique

 

A) Le principe de reconnaissance mutuelle, base légale d’un effort européen de rapprochement des règlementations nationales relatives au cannabis récréatif

B) L’assouplissement des limites européennes au commerce du cannabis, restriction de la légitimité des mesures nationales plus strictes

 

Partie 2 : La nécessaire recherche d’alternatives face à une complexe légalisation du cannabis thérapeutique 

 

A) Une utilisation controversée du cannabis à des fins médicales

B) Le cannabidiole, une alternative au cannabis thérapeutique plus propice aux échanges intracommunautaires

 

Annexe

Abréviations

Bibliographie

***

      Le 25 janvier 2022, Gérald Darmanin, ministre français de l’Intérieur, a regretté au micro de France INTER la décision du Conseil d’État portant suspension de l’arrêté ministériel ayant interdit la vente de fleurs de cannabidiol, soulignant le fait que selon lui « toutes les substances qui relèvent du cannabis, de la drogue, sont très mauvaises pour la santé ». 

     Le juge des référés avait dans ce cadre exprimé de sérieux doutes quant à la légalité et plus particulièrement la proportionnalité d’une telle mesure qui en prévoyait une interdiction générale et absolue. En effet, leur teneur en THC inférieure à 0,3% traduisant un degré de nocivité relativement faible, empêche les autorités nationales de justifier, au regard d’un impératif de protection de la santé publique, cette interdiction. En effet, elle constituait alors une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative (MEERQ) proscrite par le principe européen de libre circulation des marchandises. 

En ce sens, le droit de l’Union européenne (UE) s’étant développé depuis 1951 autour du marché intérieur (MI) et donc d’impératifs économiques est accusé de favoriser ces derniers face à d’autres impératifs tels que la protection de l’environnement ou la protection de la santé publique. En effet, celui-ci restreint, de façon drastique, la faculté des États membres d’interdire la commercialisation sur leur territoire de toutes marchandises légalement commercialisées dans un autre État membre en vertu du principe de reconnaissance mutuelle.

L’observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) a ainsi publié en 2021 un guide sur les réponses sanitaires et sociales aux problèmes liés aux drogues et notamment au cannabis ; proposant des objectifs visant à traiter les conséquences négatives de son usage, sans toutefois tenir compte de la distinction cruciale à opérer entre cannabis récréatif et thérapeutique. Le Parlement européen a alors mis en lumière le fait que les financements de l’UE se concentrent principalement sur les éventuels effets néfastes de sa consommation alors que les informations scientifiques sur l’utilisation du cannabis à des fins médicales sont très limitées. Cela entraîne un décalage notable entre l’impérieuse nécessité d’utiliser le cannabis à des fins thérapeutiques et le manque de connaissances scientifiques permettant d’en garantir un usage efficace, fiable et sûr. 

En effet, de plus en plus d’États membres opèrent désormais une distinction entre cannabis récréatif et cannabis thérapeutique. Ce dernier est aujourd’hui autorisé dans vingt et un d’entre eux, dont l’Allemagne depuis 2017, influencés par des États tiers précurseurs tels le Canada, dont la Cour Suprême confirmait dès 2015 la révocation de la prohibition générale du cannabis, caractérisée d’inconstitutionnelle car ne prévoyant aucune exemption dans le cadre d’un usage médical. 

L’absence d’harmonisation européenne concernant le cannabis en lui-même, indépendamment de son type de consommation, représente un enjeu vis-à-vis duquel l’UE se montre retardataire en se limitant à regrouper des législations internes disparates. En effet, le cannabis est aujourd’hui l’une des drogues les plus consommées en Europe, tant bien dans les États membres où certaines de ses utilisations sont tolérées, voire légales, que dans les États où cela est totalement interdit. 

Ainsi, les règles du MI, liées au principe de libre circulation des marchandises et au principe de reconnaissance mutuelle, apparaissent actuellement comme la seule voie d’harmonisation possible en pratique, dans l’attente d’actions concrètes de la part du législateur européen qui ne semble cependant pas prêt à prioriser le sujet. Or, si pour certains la libre circulation des produits à base de cannabis ayant été légalement commercialisés dans d’autres États membres apparaît comme une menace pour leur santé publique nationale, il est indéniable qu’elle permettrait aussi l’émergence d’un puissant marché européen dans le domaine du cannabis thérapeutique dont l’utilisation à des fins médicales serait à l’inverse un avantage pour la santé publique à l’échelle européenne.

Il s’agit alors de se demander si la vision « tout marché », à laquelle l’UE est accusée de se cantonner depuis sa création, présente réellement une menace pour la santé publique européenne concernant la libre circulation du cannabis, ou si elle pourrait à l’inverse contribuer à son amélioration. 

Il apparaît que si un État membre venait à légaliser le cannabis récréatif sur son territoire, les conséquences pourraient alors être désastreuses pour la santé publique au niveau de l’Union (I). Or, d’une façon analogue, la libéralisation du cannabis à usage médical par les 27 pourrait être porteuse d’espoir pour de nombreux patients européens (II). 


 

  1. La légalisation parcimonieuse du cannabis récréatif, mise à l’épreuve de la justification d’entraves pour protection de la santé publique 

 

     Si le principe de reconnaissance mutuelle apparait comme une base légale pertinente pour un effort européen de rapprochement des règlementations nationales relatives au cannabis récréatif (A), l’assouplissement des règles européennes en la matière vient restreindre la légitimité des mesures nationales plus strictes (B). 

 

     A) Le principe de reconnaissance mutuelle, base légale d’un effort européen de rapprochement des règlementations nationales relatives au cannabis récréatif 

 

     Le principe de reconnaissance mutuelle tire son origine de la célèbre affaire du même nom portée devant la CJUE en 1979. Le règlement 2019/515 souligne qu’en vertu de ce principe, « les États membres ne peuvent interdire la vente sur leur territoire des biens qui sont commercialisés légalement dans un autre État membre ». La Cour a pu, au fil de sa jurisprudence, souligner qu’en vertu de ce principe, seul le produit dont la nocivité est démontrée ou généralement reconnue et dont l’importation est interdite dans tous les États membres, peut être qualifié de stupéfiant. De cette qualification découle alors une interdiction générale de commercialisation dans tous les États membres du cannabis et de produits à base de cannabis dont le taux de THC serait supérieur à 0,2%, exception faite d’une commercialisation strictement contrôlée en vue d’une utilisation à des fins médicales et scientifiques. Le corollaire de cette interdiction a pu être déduit, par des experts, du règlement 1307/2013 concernant l’octroi de paiements directs aux producteurs de chanvre. 

     Or, ce taux légal de THC permettant d’autoriser la production et commercialisation de produits récréatifs à base de cannabis en Europe fait l’objet d’une évolution influencée par l’assouplissement des législations en la matière dans le monde. En ce sens, la réforme de la PAC pour 2023-2027 prévoit une augmentation du taux légal de THC de 0,2% à 0,3%, permettant notamment aux agriculteurs européens d’élargir la variété de semences qu’ils cultivent d’environ 50% et de devenir compétitifs vis à vis des cultures d’États plus libéraux en la matière tels que les États Unis. Ce pas en avant du législateur européen semble alors viser à inciter les États membres disposant des législations les plus strictes en la matière, tels que la France, à se rapprocher des taux plus souples autorisés dans des États comme l’Italie (0,5%) ou encore la Tchéquie (1%). En effet, l’augmentation du taux de THC autorisé à l’échelle européenne tend à rendre d’autant plus complexe la justification de mesures nationales interdisant ou restreignant la commercialisation de produits récréatifs à base de cannabis présentant un taux de THC inférieur à 0,3%, même dans le cas où la législation nationale en la matière maintiendrait une autorisation limitée à un taux inférieur. 

 

     Cet assouplissement communautaire n’est alors pas sans conséquences vis-à-vis de la justification des entraves à la libre circulation de tels produits. 

 

     B) L’assouplissement des limites européennes au commerce du cannabis, restriction de la légitimité des mesures nationales plus strictes 

 

     L’article 36 TFUE ainsi que la Cour dans son arrêt « Cassis de Dijon » mettent en lumière le fait que les dispositions des articles 34 et 35 du TFUE relatifs à la libre circulation des marchandises ne font pas obstacle aux interdictions ou aux restrictions d’importation, d’exportation ou de transit, justifiées entre autres par des raisons impérieuses de protection de la santé publique. Or, le fait que celles-ci ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée dans le commerce entre États membres fonde la nécessité d’un contrôle de proportionnalité de telles mesures vis-à-vis de la de protection de la santé publique. En effet, selon le juge européen, il ne suffit pas pour un État d’invoquer un motif d’intérêt général pour justifier une entrave, encore faut-il qu’il établisse que l’entrave est proportionnée à l’objectif poursuivi. Ce contrôle opéré en premier lieu par le juge national vise alors à évaluer aussi bien l’adéquation, la nécessité mais aussi la proportionnalité stricto sensu de la mesure vis-à-vis de la protection de la santé publique.

     Or, si l’Union a récemment admis qu’un taux de THC allant jusqu’à 0,3% ne présentait pas de risque notoire pour la santé, notamment en autorisant sa production ainsi que sa commercialisation en Europe, il apparait de plus en plus complexe pour des États membres tels que la France de justifier l’interdiction ou la restriction de produits ayant un taux inférieur ou égal au taux maximal autorisé à l’échelle européenne. En effet, si le cannabis et les produits à base de cannabis d’une teneur en THC de moins de 0,3% sont considérés inoffensifs par la majorité des États membres ainsi que par l’UE, les États membres les plus strictes vont alors se heurter à de nombreuses difficultés afin de démontrer que l’interdiction de telles marchandises est nécessaire pour la sauvegarde de leur santé publique nationale : cela reviendrait à sous-entendre que la protection de la santé publique nationale requiert des mesures plus ou moins strictes d’un État membre à l’autre. Or, cette approche du cannabis et de ses dérivés, sous le prisme du MI, ne va pas sans critique. Certains détracteurs de la priorisation des intérêts économiques par l’UE, tels que Gérald Darmanin, se désolent du fait qu’il soit nécessaire de prouver qu’un produit soit nocif pour que sa circulation sur le territoire puisse être limitée et non pas l’inverse. En effet, cette répartition de la charge de la preuve vide le motif de protection de la sécurité publique de sa substance puisqu’il semble suffire que l’UE s’inspire d’États membres aux normes sanitaires plus légères pour libéraliser les échanges de cannabis en Europe et pour que les États aux normes plus strictes se voient liés dans l’exercice de leur souveraineté dans la fixation d’un taux légal supérieur de THC sur leurs territoires. 

 

     Cette libéralisation des échanges de produits à base de cannabis entre les États membres pourrait s’avérer toutefois vertueuse s’agissant du cannabis thérapeutique, afin d’inciter les États réfractaires à se pencher davantage sur la question de sa mise en circulation, cette fois non pas à l’encontre mais au profit de la santé publique. 

 

    2. La nécessaire recherche d’alternatives face à une complexe légalisation du cannabis thérapeutique 

 

     Le cannabis à usage médical est au cœur des débats et sa commercialisation demeure soumise à de nombreux obstacles (A). Le CBD apparait alors comme une alternative thérapeutique davantage apte à faire l’objet d’échanges intracommunautaires (B). 

 

     A) Une utilisation controversée du cannabis à des fins médicales  

 

     Bien qu’il soit ancestral, l’usage du cannabis pour ses vertus thérapeutiques a diminué drastiquement au cours du XXème siècle. En effet, à l’échelle internationale, la Convention unique des Nations Unies sur les stupéfiants de 1961 avait caractérisé le cannabis, ainsi que sa résine, de stupéfiants dangereux. Une telle catégorisation sous-entendait que la substance en cause était susceptible de créer une forte dépendance, propice à l’abus, et dont découlerait ainsi une valeur thérapeutique extrêmement limitée. Cependant, l’apparition de législations internes autorisant l’utilisation du cannabis médical dans les années 1990 ainsi que la légalisation de son usage récréatif aux États unis à partir de 2010 ont permis l’essor d’analyses scientifiques sur l’utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques. Le rapport, produit en 2018, par l’OEDT concernant l’usage médical du cannabis a toutefois souligné qu’aucune autorisation de mise sur le marché à l’échelle de l’UE n’avait, à l’époque, été accordée pour des médicaments contenant des cannabinoïdes. Cela démontrait la réticence des autorités européennes à autoriser et faciliter l’usage thérapeutique du cannabis. Le rapport met toutefois en lumière que certains États membres, comme l’Allemagne, ont adopté des normes autorisant l’usage médical du cannabis pour des maladies graves comme le cancer ou le VIH. L’association européenne pour le cannabis médical insistait alors en 2020 sur le fait que cette approche réglementaire allemande devait être adoptée dans le reste de l’Europe. Or, le cannabis thérapeutique fait toujours l’objet de nombreuses controverses au sein du débat européen. 

     Il apparait toutefois une opinion de plus en plus favorable à son utilisation. A l’échelle internationale, la Commission des stupéfiants des Nations Unies a voté le retrait du cannabis du tableau IV de la Convention de 1961, après avoir suivi les recommandations de l’OMS. Malgré cette déclassification, les recherches scientifiques européennes ont toujours des problèmes de financements. Il y a eu alors certaines initiatives nationales comme celle du Parlement français qui a voté la mise en place d’une expérimentation de l’usage thérapeutique du cannabis sur 3000 patients à partir de mars 2021. Les premiers retours de cette étude s’avèrent d’ailleurs concluants et prometteurs. En effet, le manque de recherche empêche pour le moment les gouvernements et les potentiels consommateurs d’avoir accès à des données fiables et précises sur le sujet. Cela joue alors en faveur des États invoquant un motif de santé publique pour totalement proscrire la production, la commercialisation ainsi que le transit de cannabis sur leur territoire national. Cela s’explique par le fait que le cannabis thérapeutique présente un taux de THC bien supérieur aux limites européennes en vigueur ; constituant l’une des principales barrières à sa mise en circulation intracommunautaire. 

     Dans le cas où un État membre aurait toutefois la capacité d’établir des données scientifiques fiables et sûrs, une procédure d’autorisation de mise en circulation de médicaments à base de cannabis à usage thérapeutique par reconnaissance mutuelle pourrait permettre d’aboutir à une certaine forme d’harmonisation. Une telle hypothèse jouerait en faveur des consommateurs atteints de maladies graves et répondrait cette fois à un objectif de santé publique, à savoir limiter les souffrances des patients. Dans ce cadre, un médicament à base de cannabis a pu être autorisé et commercialisé dans dix-sept États membres, mais l’éventualité d’une autorisation de fumer du cannabis non transformé pour des raisons médicales demeure majoritairement exclue en Europe. 

 

     Cette complexe légalisation du cannabis thérapeutique a incité les opérateurs économiques à se pencher sur une alternative beaucoup moins controversée : le CBD.

 

     B) Le cannabidiole, une alternative au cannabis thérapeutique plus propice aux échanges intracommunautaires

 

     Face aux difficultés auxquels se heurte actuellement la commercialisation du cannabis à des fins thérapeutiques sur le MI, les opérateurs économiques semblent avoir trouvé un moyen de contourner ces obstacles avec le cannabidiole, dit CBD, une des deux cents molécules contenues dans le cannabis. La particularité du CBD est son faible taux de THC ; molécule à l’origine des effets psychotropes représentant un risque pour le consommateur. En effet, la plante de cannabis en contient un taux d’environ 15%, alors que le CBD de certaines variétés se limite à un taux de 0,2%. Ainsi, il apparait comme possédant les mêmes caractéristiques thérapeutiques que le cannabis, avec des effets nocifs bien moindres pour la santé publique. 

     Il demeure toutefois un flou juridique autour de la vente et la consommation du CBD mais la CJUE a eu l’occasion de se prononcer dans le cadre d’une procédure pénale concernant des vendeurs français de cigarettes électroniques contenant du CBD. Bien que l’affaire concerne la vente à titre récréatif, la portée de l’arrêt constitue un socle juridique pour le CBD, pouvant aussi bien s’appliquer à son usage thérapeutique. En ce sens, la Cour a pu souligner que le CBD est une marchandise qui ne constitue pas un stupéfiant. Elle affirme ensuite que la législation française est constitutive d’une MEERQ, dans le sens où elle interdit le commerce de produits réalisés à partir d’une certaine partie de la plante, et ce indépendamment, du taux de THC du produit « canavape » en ayant été extrait. La Cour effectue un contrôle de proportionnalité dans le cadre duquel elle affirme que la mesure n’est pas justifiée, venant préciser que, même dans le cadre du principe de précaution : « l’évaluation du risque ne peut se fonder sur des considérations purement hypothétiques ». L’interprétation de la Cour est pionnière en Europe car elle permet la libre-circulation du CBD en tant que marchandise et ouvre la porte à son usage thérapeutique. Cependant, comme le soulignait la France, il demeure des lacunes au niveau de la législation européenne s’agissant de la production du CBD, notamment concernant la façon de l’extraire. 

     L’usage médical du CBD représente ainsi une approche favorable aux objectifs de protection de santé publique en tant qu’alternative au cannabis, dont le taux de THC est trop important, pour une utilisation récréative comme thérapeutique. Cependant, la législation de l’UE reste fragile : l’enjeu actuel pour les institutions européennes demeure ainsi la mise en place d’un cadre réglementaire autour de la production, la commercialisation et le transit intracommunautaire du CBD en conformité avec les règles du MI.

BEAUVE Julien

SOMRANI Nawel

M2 DEA

(1) Arrêté du 30 décembre 2021 portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique (JORF n°0304, 31 décembre 2021). 

(2) Conseil d’État, juge des référés, 24 janvier 2022, décision n° 460055.

(3) Prise de parole de M. Darmanin le 25 janvier 2022 au micro de Léa Salamé dans le cadre d’une invitation à la Matinale 7/9 France INTER. 

(4) Article 36 TFUE.

(5) Article 34 et 35 TFUE.  

(6) CJUE, 2 décembre 2010, Ker Optika, affaire C-108/09.  

(7) Signature du Traité CECA.

(8) CJCE, 20 février 1979, Rewe contre Bundesmonopolverwaltung für Branntwei, “Cassis de Dijon”, affaire 120/78.

(9) Question du Parlement européen avec demande de réponse écrite à la Commission, 14 novembre 2021 : « Position de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies relative à l’utilisation thérapeutique du cannabis dans l’Union européenne » (E-005265/2021).

(10) R. v. Smith, 2015 SCC 34, [2015] 2 S.C.R. 602.

(11) Voir document 1 en Annexe, « La consommation de Cannabis dans l’Union ».

(12) CJCE, 20 février 1979, Rewe contre Bundesmonopolverwaltung für Branntwei, “Cassis de Dijon”, affaire 120/78. 

(13) Règlement 2019/515 du Parlement et du Conseil, 19 mars 2019, considérant (4). 

(14) CJCE, 26 octobre 1982, Wolf (221/81) ; CJCE, 28 mars 1995, Evans Medical et Macfarlan Smith, affaire C-324/93.

(15) CJUE, 16 décembre 2010, Joseman, affaire C-137/09.

(16) OEDT, « Les dérivés du cannabis à basse teneur en THC », 2020 (p.7). 

(17) Ministère français de l’agriculture, « Projet de Plan Stratégique National de la PAC 2023-2027 », 13 septembre 2021. 

(18) CLARKE Robert et MERLIN Mark, « Cannabis: Evolution and Ethnobotany », 2013 (University of California Press, p. 185). 

(19) Le Point, « L’Italie légalise le cannabis light », 13 décembre 2019. 

(20) ROSZNWEIG Alexis, « Cannabis : la législation tchèque en évolution sur le taux de THC autorisé », 28 juillet 2021 (Radio Prague International).

(21) CJCE, 22 janvier 2002, Canal Satellite Digital, affaire C-390/99.

(22) CJUE, 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association, affaire C-333/14.

(23) Convention unique des Nations Unies sur les stupéfiants, 1961, Tableaux IV, p 52-56. 

(24) FORTUNA Gerardo, « Les législateurs européens veulent s’attaquer aux obstacles relatifs à l’utilisation du cannabis thérapeutique », 9 décembre 2020, disponible en ligne sur le site Euroactiv. 

(25) OBRADOVIC Ivana, « I / Les effets du cannabis : état des savoirs » dans Le cannabis, Edition La Découverte, 2022, pp. 9-33, disponible en ligne sur le site Cairn. 

(26) OEDT, Rapport sur l’usage médical du cannabis, décembre 2018, p. 20.

(27) HERMAN Nathanaël, article « UE : le cannabis médical part-il en fumée ? », 6 octobre 2020, disponible en ligne sur le site Euroactiv. 

(28) ONU, article « Une commission des Nations Unies reclassifie le cannabis, qui reste toutefois toujours considéré comme nocif », 3 décembre 2020, disponible en ligne sur le site de l’ONU.

(29) PESECKYTE Giedre, article « La recherche sur le cannabis médical connaît toujours des problèmes de financement », 21 juin 2021, disponible sur le site Euroactiv.

(30) Rédaction numérique de France Inter, article « Cannabis thérapeutique : près de 1500 patients ont été suivis et accompagnés depuis un an en France », 29 mars 2022, disponible en ligne sur le site de France Inter.

(31) Article 36 TFUE. 

(32) Article 32, paragraphe 6 du Règlement (UE) du 17 décembre 2013, n ° 1307/2013.

(33) Question 122/2018 du Parlement européen à la Commission, 12 novembre 2018.

(34) Définition inspirée de : BERNARD-BRULS Delphine, « Comprendre ce qu’est le cannabidiol (CBD) et le débat qui l’entoure » dans le journal Le Monde, 18 juin 2018, disponible sur le site Le Monde. 

(35)  CJUE, 19 novembre 2020, B.S et C.A c. Ministère public, affaire dite« Kanavape » C-663/18. 

(36) Ibid, point 76 de l’arrêt.

(37) Ibid, point 90 de l’arrêt.

(38) La mise en place d’un marquage CE apparaitrait comme une solution fiable.

 

 

Annexe

 

Document 1 : « La consommation du cannabis dans l’UE », issu de l’Observatoire européen des drogues et toxicomanies - Rapport 2018 (années d'enquête variables selon les pays) (disponible sur https://www.touteleurope.eu/societe/la-consommation-de-drogues-en-europe/)

Abréviations

CBD Cannabidiol

CJCE Cour de justice des communautés européennes

CJUE Cour de justice de l’Union européenne  

OEDT Observatoire européen des drogues et toxicomanies

MI Marché intérieur

ONU Organisation des Nations Unies 

PAC Politique agricole commune 

TFUE Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne 

THC Tetrahydrocannabinol

UE Union européenne 
 

Bibliographie

Ouvrage : 

  • OBRADOVIC Ivana, Le cannabis, Edition La Découverte, 2022, disponible en ligne sur Cairn 

  • CLARKE Robet et MERLIN Mark, Cannabis: Evolution and Ethnobotany, First Edition, juin 2016 

 

Articles : 

  • FORTUNA Gerardo, article « Les législateurs européens veulent s’attaquer aux obstacles relatifs à l’utilisation du cannabis thérapeutique » sur le site Euroactiv, 9 décembre 2020 

  • HERMAN Nathanaël, article « UE : le cannabis médical part-il en fumée ? » sur le site Euroactiv, 6 octobre 2020

  • Rédaction numérique de France Inter, article « Cannabis thérapeutique : près de 1500 patients ont été suivis et accompagnés depuis un an en France », 29 mars 2022, disponible sur le site de France Inter

  • ONU, article « Une commission des Nations Unies reclassifie le cannabis, qui reste toutefois toujours considéré comme nocif », 3 décembre 2020, disponible sur le site de l’ONU

  • BERNARD-BRULS Delphine, article « Comprendre ce qu’est le cannabidiol (CBD) et le débat qui l’entoure » dans le journal Le Monde, 18 juin 2018, disponible sur le site Le Monde 

  • PESECKYTE Giedre, article « La recherche sur le cannabis médical connaît toujours des problèmes de financement », 21 juin 2021, disponible sur le site Euroactiv

  • ROSENZWEIG Alexis, article « Cannabis : la législation tchèque en évolution sur le taux de THC autorisé », 28 juillet 2021, disponible sur le site Radio Prague International 

  • LOUNIS Jazil, article « L’encadrement de l’ouverture du marché français au CBD potentiellement remis en cause par le principe de liberté de circulation des marchandises », 9 janvier 2022, disponible sur le site Le Petit Juriste

  • B.H et AFP, article « Cannabis récréatif : l’Europe divisée sur la légalisation » dans le journal Le progrès, 14 décembre 2021, disponible sur le site Le Progrès 

  • GEOFFROY Romain, article « CBD : les raccourcis de Gérald Darmanin sur une substance qui serait « très mauvaise pour la santé » dans le journal Le Monde, 28 janvier 2022, disponible sur le site Le Monde 

  • TOBELEM, Boran, article « Les législations sur le cannabis dans l'Union européenne », 15 mars 2021, disponible sur le site Toute L’Europe 

  • GEOFFROY Romain, article « Pour la Cour de cassation, tout CBD légalement produit dans l’UE peut être vendu en France » dans le journal Le Monde, 23 juin 2021, disponible sur le site Le Monde 

 

Interview :

  • Prise de parole de M. Darmanin le 25 janvier 2022 au micro de Léa Salamé dans le cadre d’une invitation à la Matinale 7/9 France INTER

 

Rapports :

  • Commission des affaires européennes et DOUCET Sandrine, Rapport d’information sur les nouvelles substances psychoactives, 27 février 2014

  • Question du Parlement européen O-000122/2018 avec demande de réponse écrite à la Commission, 12 novembre 2018 : « Utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques »

  • OEDT, Rapport sur l’usage médical du cannabis, décembre 2018

  • OEDT, Rapport sur les dérivés du cannabis à faible teneur en THC en Europe, décembre 2020 

  • Ministère de l’Agriculture, Projet de Plan Stratégique National de la PAC 2023-2027, 13 septembre 2021

  • Question du Parlement européen E-005265/2021 avec demande de réponse écrite à la Commission, 14 novembre 2021 :“Position de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies relative à l’utilisation thérapeutique du cannabis dans l’Union européenne”

 

Arrêté :

  • Arrêté du 30 décembre 2021 portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique

 

Convention internationale : 

  • ONU, Convention unique des Nations Unies sur les stupéfiants, 1961

 

Traité européen : 

  • États membres de l’Union européenne, 1er janvier 1958, Traite sur le fonctionnement de l’Union européenne, dit Traité de Rome

 

Règlements européens :

  • Règlement (UE) n ° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) n ° 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) n ° 73/2009 du Conseil

  • Règlement (UE) 2019/515 du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2019 relatif à la reconnaissance mutuelle des biens commercialisés légalement dans un autre État membre et abrogeant le règlement (CE) n° 764/2008 (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE.)

 

Jurisprudences :

 

Cour de justice des communautés européennes /Cour de justice de l’Union européenne :

  • CJCE, 20 février 1979, Rewe-Zentral AG contre Bundesmonopolverwaltung für Branntwein, dit « Cassis de Dijon », affaire 120/78

  • CJCE, 26 octobre 1982, Wilfried Wolf contre Hauptzollamt Düsseldorf, affaire 221/81

  • CJCE, 28 mars 1995, The Queen contre Secretary of State for Home Department, ex parte Evans Medical Ltd et Macfarlan Smith Ltd, affaire C-324/93

  • CJCE, 22 janvier 2002, Canal Satellite Digital SL contre Adminstración General del Estado , affaire C-380/99 

  • CJUE, 2 décembre 2010, Ker-Optika bt contre ÀNTSZ Dél-dunántúli Regionális Intézete, affaire C-108/09

  • CJUE, 16 décembre 2010, Marc Michel Josemans contre Burgemeester van Maastricht, affaire C-137/09

  • CJUE, 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a. contre Lord Advocate et Advocate General for Scotland, affaire C-333/14

  • CJUE (quatrième chambre), 19 novembre 2020, B.S et C.A c. Ministère public, affaire C-663/18, dite Kanavape 

Conclusions d’avocat général :

  • Conclusions de l'avocat général M. E. Tanchev, présentées le 14 mai 2020 dans le cadre de l’affaire B S et C A. c. Ministère public, affaire C-663/18

 

Conseil d’Etat français :

  • Conseil d’État, 24 janvier 2022, juge des référés, Décision n° 460055, publié au recueil Lebon 

 

Cour suprême du Canada :

  • Cour suprême du Canada, 6 novembre 2015, R. v. Smith, affaire 36059

 

Sitographie :

FORTUNA Gerardo, article « Les législateurs européens veulent s’attaquer aux obstacles relatifs à l’utilisation du cannabis thérapeutique » sur le site Euroactiv, 9 décembre 2020 :

https://www.euractiv.fr/section/sante-modes-de-vie/news/meps-cannabis-reclassification-to-unlock-potential-for-its-medical-use/

 

OBRADOVIC Ivana, Le cannabis, Edition La Découverte, 2022, disponible en ligne sur Cairn :

https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/le-cannabis--9782348057922.htm

 

HERMAN Nathanaël, article « UE : le cannabis médical part-il en fumée ? » sur le site Euroactiv, 6 octobre 2020 :

https://www.euractiv.fr/section/sante-modes-de-vie/news/medical-cannabis-weeded-out-from-short-term-eu-policy-agenda/

 

OEDT, Rapport sur l’usage médical du cannabis, décembre 2018 :

https://www.emcdda.europa.eu/system/files/publications/10171/20185584_TD0618186FRN.pdf

 

Rédaction numérique de France Inter, article « Cannabis thérapeutique : près de 1500 patients ont été suivis et accompagnés depuis un an en France », 29 mars 2022, disponible sur le site de France Inter :

https://www.franceinter.fr/societe/cannabis-therapeutique-pres-de-1500-patients-ont-ete-suivis-et-accompagnes-depuis-un-an-en-france

 

ONU, article « Une commission des Nations Unies reclassifie le cannabis, qui reste toutefois toujours considéré comme nocif », 3 décembre 2020, disponible sur le site de l’ONU :

https://news.un.org/fr/story/2020/12/1083712

 

PESECKYTE Giedre, article « La recherche sur le cannabis médical connaît toujours des problèmes de financement », 21 juin 2021, disponible sur le site Euroactiv :

https://www.euractiv.fr/section/sante-modes-de-vie/news/research-on-medical-cannabis-still-has-funding-problems/

 

BERNARD-BRULS Delphine, « Comprendre ce qu’est le cannabidiol (CBD) et le débat qui l’entoure » dans le journal Le Monde, 18 juin 2018, disponible sur le site Le Monde :

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/06/18/comprendre-le-cannabidiol-cbd-et-le-debat-qui-l-entoure_5317161_4355770.html

 

CJUE (quatrième chambre), 19 novembre 2020, B.S et C.A c. Ministère public, affaire C-663/18, dite Kanavape :

https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=233925&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=15340648

 

ROSENZWEIG Alexis, article « Cannabis : la législation tchèque en évolution sur le taux de THC autorisé », 28 juillet 2021, disponible sur le site Radio Prague International :

https://francais.radio.cz/cannabis-la-legislation-tcheque-en-evolution-sur-le-taux-de-thc-autorise-8724255

 

Source AFP, article « Italie : le Parlement légalise le cannabis light », 13 novembre 2019, disponible sur le site Le Point International : 

https://www.lepoint.fr/monde/italie-le-parlement-legalise-le-cannabis-light-13-12-2019-2352991_24.php

 

Dalloz Actu Etudiant, Le « passeport cannabis » n'est pas contraire au droit de l'Union européenne, 24 janvier 2011 : 

https://actu.dalloz-etudiant.fr/a-la-une/article/le-passeport-cannabis-nest-pas-contraire-au-droit-de-lunion-europeenne/h/e5d0121d86aa45c6d151e4ca72a4c879.html

 

Commission des affaires européennes et DOUCET Sandrine, Rapport d’information sur les nouvelles substances psychoactives, 27 février 2014 :

https://www.assemblee-nationale.fr/14/europe/rap-info/i1837.asp

 

LOUNIS Jazil, article « L’encadrement de l’ouverture du marché français au CBD potentiellement remis en cause par le principe de liberté de circulation des marchandises », 9 janvier 2022, disponible sur le site Le Petit Juriste : 

https://www.lepetitjuriste.fr/lencadrement-de-louverture-du-marche-francais-au-cbd-potentiellement-remis-en-cause-par-le-principe-de-liberte-de-circulation-des-marchandises/c

 

Gouvernement Français, Restriction de circulation ou interdiction de certaines marchandises, 21 janvier 2021, disponible sur le site du Gouvernement Français : 

https://www.douane.gouv.fr/fiche/restriction-de-circulation-ou-interdiction-de-certaines-marchandises

 

B.H et AFP, article « Cannabis récréatif : l’Europe divisée sur la légalisation » dans le journal Le progrès, 14 décembre 2021, disponible sur le site Le Progrès : 

https://www.leprogres.fr/societe/2021/12/14/cannabis-recreatif-l-europe-divise-sur-la-legalisation

 

OEDT, Cannabis policy: status and recent developments, site de l’OEDT:

https://www.emcdda.europa.eu/publications/topic-overviews/cannabis-policy/html_en

 

GEOFFROY Romain, article « CBD : les raccourcis de Gérald Darmanin sur une substance qui serait « très mauvaise pour la santé » dans le journal Le Monde, 28 janvier 2022, disponible sur le site Le Monde : 

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/01/28/les-raccourcis-de-gerald-darmanin-sur-le-cbd-tres-mauvais-pour-la-sante-comme-toutes-les-substances-qui-relevent-du-cannabis_6111365_4355770.html#:~:text=V%C3%A9rification-,CBD%20%3A%20les%20raccourcis%20de%20G%C3%A9rald%20Darmanin%20sur%20une%20substance%20qui,Organisation%20mondiale%20de%20la%20sant%C3%A9.

 

TOBELEM, Boran, article « Les législations sur le cannabis dans l'Union européenne », 15 mars 2021, disponible sur le site Toute L’Europe : 

https://www.touteleurope.eu/societe/les-legislations-sur-le-cannabis-en-europe/

 

Euronews et AP, article « Germany’s medicinal cannabis start-ups are blooming as it eyes move to legalise recreational use », 4 janvier 2021, disponible sur le site Euronews: 

https://www.euronews.com/next/2022/01/03/germany-s-cannabis-start-ups-flourish-as-the-country-moves-to-legalise-recreational-use-of

 

KOWLEWSKI-PIZZI Ashley, article « The medical uses for cannabis » dans le magazine Canadian Living, disponible sur le site Canadian Living: 

https://www.canadianliving.com/health/prevention-and-recovery/article/the-medical-uses-for-cannabis


RTBF, article « Quels sont les pays qui ont légalisé le cannabis à usage récréatif ? », 15 décembre 2021, disponible sur le site RTBF : 

https://www.rtbf.be/article/quels-sont-les-pays-qui-ont-legalise-le-cannabis-a-usage-recreatif-10898455

 

FOUQUET Claude, article « Malte devient le premier pays d'Europe à légaliser le cannabis récréatif » dans le journal Les Echos, 15 décembre 2021, disponible sur le site Les Echos : 

https://www.lesechos.fr/monde/europe/malte-devient-le-premier-pays-deurope-a-legaliser-le-cannabis-recreatif-1372722#:~:text=Malte%20est%20devenu%20mardi%20apr%C3%A8s,par%2036%20voix%20contre%2027.

 

GEOFFROY Romain, article « Pour la Cour de cassation, tout CBD légalement produit dans l’UE peut être vendu en France » dans le journal Le Monde, 23 juin 2021, disponible sur le site Le Monde : 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/06/23/pour-la-cour-de-cassation-tout-cbd-legalement-produit-dans-l-ue-peut-etre-vendu-en-france_6085380_3224.html
 

Egalité hommes-femmes et marché intérieur : entre dépendance et émancipation

     Dans un arrêt du 27 juin 1989, la Cour précise que le principe d’égalité hommes-femmes tend « à réaliser l’égalité de traitement entre hommes et femmes non pas de façon générale, mais uniquement en leur qualité de travailleurs ». Le principe d’égalité hommes-femmes a ainsi, dès l’origine, était consacré comme un principe à tendance plutôt sectorielle.

     En effet, le marché intérieur et en particulier la liberté de circulation du travailleur, ont longtemps été pensés comme unique prisme de l’égalité hommes-femmes au sein de l’Union. L’article 3 du Traité sur l’Union européenne (ci-après TUE) précise pourtant aujourd’hui les différents buts de l’Union européenne et de ses politiques, l’égalité entre les femmes et les hommes apparaissant au troisième alinéa, aux côtés du marché intérieur. D’abord pensé comme un outil d’intégration, le marché intérieur tend pourtant à s’affirmer comme fin en soi depuis de nombreuses années. Pourtant, selon l’arrêt Meroni, il n’existe pas de hiérarchie entre la garantie des libertés de circulation et les autres objectifs poursuivis par l’Union. La conciliation entre ces deux sphères est à ce titre toujours lacunaire, la réalisation de beaucoup d’objectifs dépendant historiquement de l’intégration économique sur laquelle se sont construits l’Union et son droit. En effet, en raison du principe d’attribution des compétences, l’Union a dû s’appuyer sur le marché intérieur à travers l’article 4 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après TFUE), pour mener à bien ses autres politiques, parfois pourtant contradictoires.

     Ce sujet est d’autant plus d’actualité qu’avec la crise sanitaire du Covid-19, la sphère privée se trouve de plus en plus politisée. A ce titre, l’avis du Comité économique et social européen adopté le 24 mars 2021 est tout à fait éclairant. Il met en lumière les risques du télétravail à exacerber les inégalités entre les hommes et les femmes, particulièrement s’agissant de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. En effet, si l’Union brandit le principe d’égalité hommes-femmes comme partie intégrante de son identité et de sa légitimité, tant sur la scène internationale que vis-à-vis des Etats membres, les questionnements sur l’effectivité de la protection d’un tel principe ne sont pas à minimiser.

     A ce titre, nous nous interrogerons sur la problématique suivante : dans quelle mesure le principe d’égalité hommes-femmes peut-il s’affranchir des impératifs du marché intérieur ?

     Si le marché intérieur a été la voie privilégiée de la construction du principe d’égalité hommes-femmes dans l’Union européenne (I), cette dépendance n’épuise pas la potentialité d’un tel principe à justifier une restriction aux libertés de circulation (II).

 

  1. L’égalité hommes-femmes par et pour le marché : le marché intérieur comme terrain privilégié d’expérimentation du principe d’égalité hommes-femmes.

 

     Si l’égalité hommes-femmes a été construite par le marché intérieur pour garantir une égalité de rémunération (A), elle en demeure toutefois paradoxalement dépendante : c’est une égalité pour le marché (B).

 

     A) L’égalité de rémunération entre travailleurs masculins et féminins : l’égalité par le marché

 

     A l’origine, les Communautés économiques européennes ne disposaient pas des compétences approfondies nécessaires à la réalisation d’une politique sociale. Dès lors, c’est en s’appuyant sur les règles du marché, premières racines du processus d’intégration souhaité par ses pères fondateurs, que le principe d’égalité de rémunération entre travailleurs masculins et féminins fait son apparition dans les traités.

  

     L’article 119 du Traité de Rome dispose que « chaque Etat membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l’application du principe d’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail ». Il s’agit du fondement unique en la matière jusqu’au traité d’Amsterdam en 1997. Cette disposition n’est pas le fruit d’un consensus progressiste au sein des Etats membres, les législations nationales étant sur ce sujet assez hétérogènes et souvent peu développées. L’article 119 du Traité de Rome s’explique surtout par des considérations juridiques et économiques. D’une part, il permet la mise en conformité avec la Convention 100 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) de 1951. D’autre part, il apaise les craintes exprimées par certains Etats membres d’un danger de « dumping social » risquant de mettre à mal, outre les acquis en matière de protection sociale, leurs industries, en particulier les industries françaises du textile. Initialement devant s’insérer dans la section du traité portant sur les distorsions de concurrence, l’article 119 du Traité de Rome trouvera finalement sa place au sein de la section portant sur la politique sociale.

     La promotion de l’égalité hommes-femmes à travers l’égalité de rémunération poursuit ainsi avant tout un but économique, dans une visée parfois « protectionniste ». Néanmoins des considérations sociales subsistent, certains Etats, comme la France, craignant qu’une application stricte d’un principe d’égalité entraîne un alignement des politiques sur la norme minimale, en négligeant les acquis sociaux jusqu’alors obtenus. 

     Ce fondement textuel va être le terreau d’un contentieux nouveau au sein des Communautés économiques européennes. En effet, malgré une consécration dans le droit primaire, la plupart des Etats membres restent réticents quant à sa mise en œuvre, en particulier la Belgique et les Pays-Bas. Dès lors, c’est à travers la revendication de ce droit par les individus que sa véritable réalisation va être rendue possible. A ce titre, l’affaire Gabrielle Defrenne a constitué selon les termes d’Eliane Vogel-Polsky « une affaire en or du point de vue du non-respect de l’égalité entre hommes et femmes ». En effet, étaient en cause des discriminations à la fois s’agissant de la rémunération entre hôtesses et stewards, mais aussi en matière de régime de retraite. Cela permet ainsi à la Cour de mobiliser différentes facettes de ce principe. 

     Si la Cour de justice européenne s’est prononcée par trois arrêts de 1971, 1976 et 1978, le deuxième arrêt présente un intérêt particulier s’agissant des discriminations en matière de rémunération. En effet, il permet la reconnaissance de l’effet direct du principe d’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes prévu par l’article 119 du traité de Rome. Cette légitimation doit par ailleurs être replacée dans une dynamique d’intégration jurisprudentielle par la Cour, cherchant à élaborer des fondements solides au marché commun. Ce principe reste cependant cloisonné aux travailleurs, comme le souligne la juriste Catherine Barnard, qui précise que « le droit communautaire [en matière d’égalité des sexes] concerne essentiellement les personnes intégrées et non les personnes exclues ».

     La mise en œuvre de ce principe reste donc intrinsèquement liée à la liberté de circulation des travailleurs, en témoigne l’extension de ce principe à des situations relevant uniquement de ce domaine par la Cour, qu’il s’agisse des travailleuses à temps partiel mais aussi des travailleuses enceintes, allant jusqu’à faire plier la Loi fondamentale allemande s’agissant de l’ouverture des emplois aux femmes dans les forces armées.

 

     B) Le paradoxe de la dépendance de l’égalité hommes-femmes au marché intérieur : l’égalité pour le marché

 

     Aujourd’hui, l’article 157 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne reprend le principe d’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. Par un arrêt du 3 juin 2021, la Cour consacre à ce titre un effet direct horizontal de ce principe dans les litiges entre particuliers. Entre temps, la politique d’égalité des genres de l’Union européenne a connu plusieurs dynamiques. En premier lieu égalité de droit, la politique d’égalité des sexes s’est ensuite appuyée sur des actions positives avant d’adopter un angle d’approche dit de « gender mainstreaming », visant à intégrer la dimension de genre dans le déroulement classique du processus politique européen.

     On ne peut que constater que la politique sociale peine, dans sa construction, à être indépendante du marché intérieur qui en est son principal vecteur. En témoigne les recherches du Comité économique et social dans l’avis exploratoire rendu à la demande de la présidence portugaise, au sein duquel est précisé que « le télétravail offre de nombreuses possibilités de contribuer à l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment : en améliorant la participation au marché du travail ; renforçant la flexibilité de l’organisation du temps de travail et la conciliation des responsabilités familiales non rémunérées avec un travail rémunéré, ce qui peut permettre de mieux participer au marché du travail ; réalisant des gains de productivité grâce à de meilleures performances […] ». La présentation du télétravail comme moteur de promotion de l’égalité entre les genres au sein de cet avis ne laisse aucun doute sur la filiation entre la politique sociale et le marché intérieur. Pourtant, cette dépendance est paradoxale, la libéralisation des échanges étant rarement synonyme d’égalité des genres. D’où le caractère problématique d’une telle dépendance. En faisant le choix d’amener le changement social nécessaire à la réalisation de l’égalité hommes-femmes uniquement à travers les canaux économiques, en particulier s’agissant du prisme de la liberté des travailleurs, une partie non-négligeable de la portée potentielle de ce principe est niée. D’égalité hommes-femmes dans le marché intérieur, beaucoup perçoivent seulement une égalité hommes-femmes pour le marché intérieur. Or, c’est le risque d’une politique purement symbolique n’atteignant pas ses pleines potentialités du fait de sa soumission aux impératifs du marché intérieur. Apparaîtrait alors un rapport dominant/dominé de l’objectif d’un marché intérieur toujours plus abouti, au détriment de la réalisation des autres buts de l’Union.

     Si l’Union européenne revendique sa singularité du fait qu’elle serait une Union de droit reposant sur des valeurs inhérentes à la démocratie et aux droits fondamentaux, il est plus que nécessaire qu’elle imprègne définitivement son marché intérieur des valeurs de sa « charte constitutionnelle de base » que sont les traités.

      2. L’égalité hommes-femmes dans le marché : mobilisations potentielles du principe d’égalité hommes-femmes au sein des libertés de circulation

     L’exploration de la potentialité du principe d’égalité hommes-femmes au sein des libertés de circulation interroge son maniement par les Etats membres en tant que justification aux entraves, soit sur le fondement de l’intérêt légitime (A), soit sur le fondement textuel d’intégration (B).  

 

     A) L’égalité hommes-femmes comme intérêt légitime

 

     Le principe d’égalité hommes-femmes a donc été cantonné à la liberté de circulation des travailleurs. Cependant, il existe plusieurs hypothèses de confrontation de ce principe à l’ensemble des libertés de circulation inhérentes au marché intérieur. Par exemple, si un Etat voulait invoquer ce principe pour défendre une règlementation mettant en œuvre une discrimination positive dans le cadre du recrutement, il pourrait faire de même s’agissant d’une entrave à toute autre liberté de circulation. 

     Ainsi, partons de l’exemple français. En novembre 2021, Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, a signé avec les acteurs du secteur du jouet une charte pour une représentation mixte des jouets. Et si un jour la France décidait d’aller plus loin ? Imaginons qu’elle se dote d’une législation dont l’objectif serait d’interdire la commercialisation de jouets dits « genrés ». Les acteurs économiques du secteur risqueraient de considérer une telle législation comme étant une entrave à la libre circulation des marchandises. La France pourrait-elle dès lors invoquer le principe d’égalité hommes-femmes pour justifier une telle réglementation ? Or, un tel principe n’est pas mentionné à l’article 36 TFUE. Il est ainsi nécessaire d’envisager d’autres voies de justification pour invoquer le principe d’égalité hommes-femmes, cette réglementation ne semblant a priori pas discriminatoire. 

     Premièrement, la Cour n’a jusqu’ici jamais dégagé d’exigence impérative d’intérêt général à ce sujet. Néanmoins, ceci est tout à fait envisageable. Elle pourrait également choisir de consacrer une telle justification en s’appuyant sur la « troisième voie » ouverte notamment par les arrêts Schmidberger et Omega, laquelle s’appuie sur la notion de droits fondamentaux et de l’intérêt légitime qu’ils constituent. 

     A ce titre, l’article 23 de la Charte des droits fondamentaux sur l’égalité entre hommes et femmes paraît pertinent. Cependant, l’article 51 de cette même Charte réduit le champ d’application de celle-ci à la mise en œuvre, par les Etats membres, du droit de l’Union. Dès lors, une approche aussi restrictive ne serait pas satisfaisante car limitant sévèrement les domaines d’invocation. Si on ne peut invoquer cet article directement, rien ne semble contredire l’hypothèse d’une convocation de celui-ci à l’appui d’un argumentaire juridique visant à intégrer l’égalité hommes-femmes dans la lignée jurisprudentielle des arrêts Schmidberger et Omega.

     C’est pourquoi il convient de s’interroger sur la possibilité d’une autonomie de la notion d’intérêt légitime qui suffirait, seule, à justifier une entrave. En effet, pour Brunessen Bertrand, dans l’arrêt Dynamic Medien, « la Cour de justice va plus loin et semble faire de la notion d’intérêt légitime un véritable objet juridique », s’agissant de la protection de l’enfant. Si l’avocat général souhaitait dans cette affaire rattacher la protection des mineurs aux catégories prévues par l’article 36, la Cour au contraire choisit de l’en détacher pour justifier une dérogation aux libertés de circulation. Ces deux raisonnements pourraient tout à fait être repris s’agissant de l’égalité hommes-femmes, dans le cadre de notre exemple. Si cette analyse s’en tient à intégrer le principe d’égalité hommes-femmes comme justification potentielle à une entrave aux libertés de circulation du marché intérieur, elle n’en présume en rien la proportionnalité des mesures ni le contrôle qu’en ferait la Cour.

 

     B) L’égalité hommes-femmes comme fondement textuel d’intégration

 

     Cette recherche du potentiel justificatif du principe d’égalité hommes-femmes aux entraves étatiques peut être lue de manière encore plus extensive. Ainsi, Vassilis Hatzoupolos explique : « Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, certaines des raisons impératives d’intérêt général ont été constitutionnalisées, en trouvant leur place notamment dans les dispositions horizontales « d’application générale » (articles 7-17) du TFUE).

     A ce titre, l’article 8 TFUE dispose que « Pour toutes ses actions, l’Union cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l’égalité, entre les hommes et les femmes ». Ce fondement pourrait ainsi constituer une « clause d’intégration » ou encore « clause horizontale », au même titre, par exemple, que la protection de l’environnement mentionnée à l’article 11 TFUE. Cette possibilité est d’autant plus intéressante qu’elle est renforcée par la mention à l’article 10 TFUE, précisant que « dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, l’Union cherche à combattre toute discrimination fondée sur le sexe […] ». On constate alors la place primordiale accordée à ce principe dans les traités.

     Cette « constitutionnalisation » prouve toute l’attention particulière que l’Union doit apporter à ces principes spécifiques, le marché intérieur n’étant qu’un outil pour l’intégration dont les intérêts ne doivent pas surpasser les priorités définies par le traité. Dès lors, il nous semblerait pertinent d’apporter une protection plus renforcée de tels objectifs. Et en ce sens, de permettre aux Etats de venir restreindre les libres circulations au sein du marché intérieur au titre d’une défense de l’égalité hommes-femmes. Il n’en serait que plus cohérent, que les Etats puissent eux-aussi s’approprier ce principe initié par l’Union au sein de leurs politiques et législation internes afin d’en offrir une protection plus aboutie. Cela viendrait renforcer les politiques promues par l’Union européenne, comme en témoigne la Communication de la Commission pour une Union de l’égalité visant à établir une stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes pour 2020 à 2025.

     Ainsi, il semble évident que le principe d’égalité hommes-femmes doit dépasser sa dépendance étroite au marché pour devenir une notion plus autonome et dès lors mobilisable à la fois par les institutions de l’Union mais également par les Etats membres, afin de rendre l’égalité hommes-femmes effective. A l’image d’une Union dont l’intégration politique ne fait aujourd’hui plus aucun doute, le principe d’égalité hommes-femmes ne doit plus être exclusivement asservi aux impératifs économiques. 

     Dès les arrêts Defrenne, l’ouverture du principe d’égalité homme-femme à d’autres pans de la politique européenne était déjà à envisager. En effet, selon Sophie Jacquot cette saga judiciaire est venue cristalliser « l’ambiguïté fondamentale du principe d’égalité entre les femmes et les hommes au niveau européen en l’ancrant simultanément dans un diptyque dialectique entre Europe marchande et Europe sociale, tout en n’oubliant cependant pas d’affirmer également son appartenance au récit de l’Europe des valeurs, faisant, dès 1978, du diptyque un triptyque et de l’égalité entre les femmes et les hommes un des piliers centraux de l’identité européenne en construction ».

 

RAMAMONJISOA Nina

TURCO Elina

M2 DEA

 

(1) CJCE, 27 juin 1989, J. E. G. Achtçerbergte Riele Sociale Verzekeringsbank, Affaires jointes 48/88, 106/88 et 107/88, Point 12

(2) CJCE, 13 juin 1958, Meroni & Co., Industrie Metallurgiche, società in accomandita semplice contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, Affaire 10/56, Point 81

(3) Avis du Comité économique et social européen, Adopté le 24 mars 2021, Télétravail et égalité entre les hommes et les femmes – conditions pour que le télétravail n’exacerbe pas la répartition inégale des tâches domestiques et de soins non rémunérées entre les femmes et les hommes, et pour que celui-ci soit un moteur de promotion de l’égalité entre les genres.

(4) Rapport législatifs n°313, Proposition de résolution présentée par Charles Metzinger, Egalité entre hommes et femmes, Séance du 17 avril 1996, Sénat français.

(5) JACQUOT Sophie, « Axe 3: Activisme juridique - Pourquoi les arrêts Defrenne sont-ils restés orphelins ? Ou, pourquoi le Lobby Européen des Femmes n’a-t-il jamais déployé de stratégie d’activisme judiciaire ? », in e-legal, Revue de droit et de criminologie de l’ULB, Volume n°3, avril 2019, p. 6.

(6) VOGEL-POLSKY, E., « Agir pour les droits des femmes », Raisons politiques, Vol. 2, n° 10, 2003, pp.139–149, p. 141

(7) CJCE, 25 mai 1971, Defrenne I, Affaire C-80/70 ; CJCE, 8 avril 1976, Defrenne II, Affaire C-43/75 ; CJCE, 15 juin 1978, Defrenne III, Affaire C-149/77

(8) BARNARD C., « L’égalité des sexes dans l’Union européenne : un bilan », in Alston, Philip (ed.), L’Union européenne et les droits de l’hommes, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 219-241

(9) CJCE, 13 mai 1986, Bilka Kaufhaus GmbH contre Karin Weber Von Hartzz, Affaire C-170/84 

(10) CJCE, 30 avril 1998, Evelyne Thibault, Affaire C-136/95

(11) CJCE, 11 janvier 2000, Tanja Kreil contre Bundesrepublik Deutschland, Affaire C-285/98

(12) CJUE, 3 juin 2021, Tesco Stores Ltd, Affaire C-624/19

(13) PERRIER Gwenaëlle. La politique d’égalité des sexes de l’Union européenne. Portée et limites de l’égalité pour le marché. In: Revue des politiques sociales et familiales, n°126, 2018. Dossier « Formes de parenté ». pp. 61-71.

(14) Avis du Comité économique et social européen, Adopté le 24 mars 2021, Télétravail et égalité entre les hommes et les femmes – conditions pour que le télétravail n’exacerbe pas la répartition inégale des tâches domestiques et de soins non rémunérées entre les femmes et les hommes, et pour que celui-ci soit un moteur de promotion de l’égalité entre les genres, p. 3, §. 1.3.

(15) JACQUOT, S., L'égalité au nom du marché ? Émergence et démantèlement de la politique européenne d'égalité entre les hommes et les femmes. Peter Lang, pp.365, 2014, Work & Society.

(16) CJCE, 23 avril 1986, Les Verts, Affaire C-294/83, Point 23

(17) CJCE, 21 mai 1985, Commission des communautés européennes contre République fédérale d’Allemagne, Affaire C-248/83

(18) CJCE, 12 juin 2003, Schmidberger, Affaire C-112/00

(19) CJCE, 14 octobre 2004, Omega, Affaire C-36/02

(20) BERTRAND, B. Que reste-t-il des exigences impératives d'intérêt général ?. Europe : actualité du droit de l'Union européenne, JurisClasseur - LexisNexis, 2012, pp.6-12.

(21) CJCE, 14 février 2008, Dynamic Median, Affaire C-244/06

(22) HATZOUPOLOS, V. « La justification des atteintes aux libertés de circulation : cadre méthodologique et spécificités matérielles » in E. DUBOUT et A. MAITROT DE LA MOTTE (dir.), L’unité des libertés de circulation. Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 222.

(23) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au comité des régions, Une Union de l’égalité: stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes 2020-2025, Bruxelles, 5 mars 2020

(24) JACQUOT, Sophie, « L’égalité entre les femmes et les hommes dans les récits judiciaires de l’Europe : un triptyque mouvant » in Bailleux, A. et al. (dir.), Les récits judiciaires de l'Europe, 1e édition, Bruxelles, Bruylant, 2021, p. 178

 

 

Recueil des dispositions textuelles

 

Traité de Rome de 1957

Article 119 

Traité sur l’Union européenne (TUE) 

Article 3

Article 4

Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) 

Article 8

Article 10

Article 11

Article 36 

Charte des droits fondamentaux 

Article 23

Article 51

 

Recueil de jurisprudences

CJCE, 13 juin 1958, Meroni & Co., Industrie Metallurgiche, società in accomandita semplice contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, Affaire 10/56

CJCE, 25 mai 1971, Gabrielle Defrenne contre Etat belge, Affaire C-80/70  

CJCE, 8 avril 1976, Gabrielle Defrenne contre Société anonyme belge de navigation aérienne Sabena, Affaire C-43/75 

CJCE, 15 juin 1978, Gabrielle Defrenne contre Société anonyme belge de navigation aérienne Sabena, Affaire C-149/77

CJCE, 21 mai 1985, Commission des communautés européennes contre République fédérale d’Allemagne, Affaire C-248/83

CJCE, 13 mai 1986, Bilka Kaufhaus GmbH contre Karin Weber Von Hartzz, Affaire C-170/84

CJCE, 23 avril 1986, Les Verts, Affaire C-294/83 

CJCE 27 juin 1989,  J. E. G. Achtçerberg-te Riele Sociale Verzekeringsbank, Affaires jointes 48/88, 106/88 et 107/88

CJCE, 30 avril 1998, Evelyne Thibault, Affaire C-136/95

CJCE, 11 janvier 2000, Tanja Kreil contre Bundesrepublik Deutschland, Affaire C-285/98

CJCE, 12 juin 2003, Schmidberger, Affaire C-112/00

CJCE, 14 octobre 2004, Omega, Affaire C-36/02

CJCE, 14 février 2008, Dynamic Median, Affaire C-244/06

CJUE, 3 juin 2021, Tesco Stores Ltd, Affaire C-624/19

Bibliographie

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JACQUOT Sophie, « L’égalité entre les femmes et les hommes dans les récits judiciaires de l’Europe : un triptyque mouvant » in Bailleux, A. et al. (dir.), Les récits judiciaires de l'Europe, 1e édition, Bruxelles, Bruylant, 2021, p. 177-207

JÖNSSON Alexandra, MOREL Nathalie, « Egalité des sexes et conciliation vie familiale – vie professionnelle en Europe. Une comparaison des politiques menées en France, en Suède et au Royaume-Uni », Politique européenne, 2006/3 (n° 20), p. 121-139. DOI : 10.3917/poeu.020.0121. URL : https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/revue-politique-europeenne-2006-3-page-121.htm

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SENAC Réjane, « Sophie Jacquot, L'égalité au nom du marché ? Émergence et démantèlement de la politique européenne d'égalité entre les hommes et les femmes », Politique européenne, 2014/4 (n° 46), p. 172-176. DOI : 10.3917/poeu.046.0172. URL : https://www-cairn-info.ezscd.univ-lyon3.fr/revue-politique-europeenne-2014-4-page-172.htm

VOGEL-POLSKY Eliane, « Agir pour les droits des femmes », Raisons politiques, Vol. 2, n° 10, 2003, pp.139–149, p. 141

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